Les feuilles humides fouettaient le visage de Jacen, lancé dans une course éperdue à travers le tampasi.

Il laissait la Force le guider.

Quelque part devant lui, il sentait l’aura de Danni, mais d’une manière distordue, comme si quelque chose interférait avec la Force.

Sautant par-dessus des branches mortes, Jacen se hâtait dans le sous-bois épais.

Il trébucha plus d’une fois. La pluie plaquait sur son corps ses cheveux et ses vêtements, gênant sa vision. Mais une seule chose comptait : rejoindre Danni et s’assurer que rien ne lui arriverait. Concentré sur la faible perception qu’il avait d’elle, il continuait à courir.

Soudain, il déboucha sur un sentier étroit qu’il remonta, comprenant d’instinct que ce chemin expliquait la progression fulgurante des Ferroans. Il projeta de nouveau son esprit dans la Force et repéra l’étincelle qui était Danni. Il ne détectait plus Saba, qu’il avait sentie derrière lui, et ne détectait pas de bruit dans le tampasi.

Le Jedi n’avait pas le temps de se demander pourquoi. Il devait rester concentré…

Il accéléra encore. Il se rapprochait, et cela l’incitait à dépasser ses limites. Il captait les mouvements des ravisseurs – cinq, l’esprit calme et détendu… Ils étaient persuadés d’avoir réussi leur coup.

Et d’autres conspirateurs venaient à leur rencontre !

Jacen sentit les deux groupes se rejoindre dans une clairière et se saluer joyeusement… Personne ne manifestait de peur.

Jacen sortit son sabre laser et accéléra encore. Il entendait maintenant les voix des ravisseurs et captait des mouvements entre les puissants boras.

Si vous lui avez fait le moindre mal… !

Se servant du tronc d’un bora abattu comme d’un tremplin, Jacen bondit dans la clairière et alluma son sabre laser en plein vol. Il se réceptionna en position défensive, prêt à intercepter les trois rayons d’énergie qui jaillirent des armes des ravisseurs.

Il brandit son sabre laser au-dessus de sa tête, également prêt à frapper le premier audacieux qui approcherait trop près.

Les ravisseurs se pétrifièrent.

Couchée sur une civière composée de deux branches épaisses et de lianes entrecroisées, Danni ne bougeait plus. Ça n’était pas bon signe.

— Nous sommes prêts à nous battre, dit un des ravisseurs en avançant d’un pas.

Son arme tremblait dans sa main…

A leurs postures et à leurs mines, Jacen voyait bien que les Ferroans n’avaient rien de combattants expérimentés. Il les éliminerait sans mal. Mais ce n’était pas ce qu’il voulait. Régler le problème pacifiquement et récupérer Danni saine et sauve devait être simple…

— Vous ne pouvez pas gagner, dit un Ferroan. Nous sommes à quinze contre un.

Jacen allait baisser son arme pour tenter une autre approche quand un hurlement perçant retentit. Une forme sombre jaillit du sous-bois et atterrit dans la clairière.

Le sabre laser de Saba crépita en s’activant.

— Quinze contre deux ! gronda-t-elle.

Affolés par la Barabel, huit ravisseurs s’enfuirent. Sur les sept entourant la civière, cinq levèrent leur massue, tandis que leurs camarades brandissaient leurs armes-racines.

— Attendez ! cria Jacen. S’il vous plaît !

S’il désirait régler pacifiquement le problème, c’était maintenant ou jamais.

Les Ferroans le regardèrent désactiver son sabre laser et le remettre à sa ceinture. Puis il leva les deux mains.

— Voulez-vous vraiment mourir ici, cette nuit ?

— Nous sommes plus nombreux que vous, Jedi ! cracha un des ravisseurs.

Jacen tendit sa volonté à travers la Force – vers la racine que le Ferroan tenait. D’un geste nonchalant, il attira l’arme à lui. Paniqué, le Ferroan recula d’un pas.

— Les apparences peuvent être trompeuses, dit Jacen en laissant l’arme tomber sur le sol.

Puis il avança d’un pas.

— Il doit y avoir une autre solution.

— Laquelle ? demanda l’homme à qui il venait de confisquer son arme.

— Parlementons. Si vous m’expliquiez les raisons de ce rapt ? Nous pourrions peut-être résoudre le problème sans violence.

— Je n’ai pas confiance en eux, dit une Ferroane aux cheveux noirs et au visage rond. Je me méfie des étrangers !

— Il n’y a aucune raison d’avoir peur de nous, affirma Jacen.

C’était la vérité. Et il cherchait à influencer la partie la plus réceptive de leurs esprits pour les rassurer.

— Nous n’avons pas peur de vous, grogna la Ferroane. Nous ne voulons pas d’étranger ici !

— Mais nous y sommes, répliqua Jacen. Et sur l’invitation de Sekot.

— Alors, Sekot se trompe, dit le premier homme. Comme le déclare Senshi, c’est…

— Silence ! coupa un autre.

Jacen réfléchit à toute vitesse. Ce « Senshi » était probablement un personnage influent au sein de leur conspiration – voire leur chef. C’était à lui que Jacen devait parler, plutôt que perdre son temps à discutailler sous la pluie avec ses sbires. Leur reprendre Danni et rentrer au camp aurait été facile, mais à long terme, ça ne résoudrait rien. D’autres tentatives suivraient. Il fallait régler la question une fois pour toutes. Maintenant !

— Vous vouliez des otages, et vous en avez une. Mais que diriez-vous de trois ? Ce serait mieux, non ?

— Quoi ? fit la Ferroane, décontenancée.

— Inutile de nous battre. Saba et moi vous suivrons.

— Je n’ai toujours pas confiance en eux, dit la Ferroane.

— Si vous m’affrontez, vous perdrez, affirma Jacen. Et vous serez peut-être tués. Avec ma proposition, personne ne mourra, et vous retournerez près de Senshi avec plus d’otages qu’il ou elle espérait.

Jacen utilisa la Force pour influencer les Ferroans. Il sentit ses paroles trouver un écho dans leurs pensées – surtout celles de l’homme qui avait fait taire ses camarades.

— Vous savez que c’est sensé, insista Jacen.

— Oui.

Furieuse, la Ferroane se tourna vers son compagnon.

— Tu es devenu fou, Tourou ? Nous ne pouvons pas les conduire devant Senshi ! Ils le tueraient certainement !

— Personne ne tuera personne, assura Jacen. Regardez. (Il dégrafa son sabre laser de sa ceinture et le lui lança.) Gardez mon arme pour le moment.

La Ferroane regarda le sabre laser comme s’il allait la mordre.

Jacen fit signe à Saba. Non sans hésiter, elle désactiva aussi son sabre laser et le remit au Ferroan que le Jedi avait désarmé.

Si la décision de Jacen la mettait mal à l’aise, elle n’en laissa rien voir.

— Très bien, céda Tourou.

Le groupe entoura Jacen et Saba.

— Ramassez la civière, ordonna Tourou à ses nouveaux otages. Vous porterez votre amie. Comme ça, vous ne serez pas en mesure de nous réserver de mauvaises surprises.

Prenant les poignées arrière de la civière, Jacen regarda Danni. Trempée et couverte de boue, elle avait un hématome sur une tempe. Reviendrait-elle bientôt à elle ?

Soulagé de la savoir tirée d’affaire, Jacen pourrait mieux réfléchir aux griefs des Ferroans rebelles. Pour le moment, il se concentrait sur la marche, tout en envoyant des ondes rassurantes vers son oncle. Mais plus ils s’éloignaient, moins il arrivait à le contacter dans la Force.

Plus ils s’enfonçaient dans le tampasi, plus les signaux de ses compagnons faiblissaient. Il regretta d’avoir omis d’emporter un comlink. Saba n’avait sans doute pas le sien non plus. L’appareil avait dû rester sous l’habitation effondrée, avec le reste de leurs affaires…

Bref, ils étaient très mal préparés à une mission qui les entraînerait loin de leurs amis.

Si je me débrouille bien, pensa Jacen, nous ne resterons pas absents longtemps…

Saba se tourna vers lui.

— J’espère que tu sais ce que tu fais.

— Pas vraiment, non. Mais l’incertitude rend la vie plus intéressante, tu ne trouves pas ?

Ne jugeant pas la plaisanterie très drôle, Saba continua à marcher en silence.

 

Le cri de Tahiri donna à Jaina l’impression d’être poignardée en plein cœur. Un déluge d’émotions la submergea : la peur, la douleur, la surprise, le chagrin… Et elle était incapable d’offrir son aide.

Puis elle eut une vision de Riina, debout devant Tahiri, du sang coulant à flots de sa main blessée.

Tahiri tomba, se tenant le bras. Elle lâcha son sabre laser bleu-blanc, qui laissa une marque de brûlure sur le sol.

Jaina se demanda ce qui était arrivé. Dans une image-souvenir précédente, elle avait vu les deux jeunes femmes s’affronter. Riina était blessée. Et Tahiri semblait l’être aussi. Leur duel mental les affectait-il désormais physiquement ?

Tahiri, tu vas bien ? Par l’enfer, écoute-moi ! Tu dois m’entendre !

Jaina secoua les barreaux sans substance de sa prison mentale. L’esprit de Tahiri ne voulait toujours pas la libérer, et elle répugnait à précipiter les choses, de peur de faire plus de mal que de bien. Personne de l’extérieur ne pouvait aider Tahiri, et Jaina pensait que sa présence était peut-être utile. S’il lui était impossible de sortir, c’était parce que quelque chose voulait qu’elle reste là, même si Tahiri et Riina semblaient l’ignorer pour le moment.

Jaina avait assez suivi le duel pour comprendre que Riina se battait avec toutes les capacités d’une guerrière vong – ajoutées à la maîtrise de la Force de Tahiri.

Si elle prenait le contrôle du corps de Tahiri, cela ferait d’elle une adversaire redoutable.

Jaina ne pouvait pas laisser la jeune Yuuzhan Vong gagner. Elle poussa Tahiri à se relever.

Elle « vit » les deux jeunes femmes bouger. Dans la lumière bleue, le sang brillait d’un éclat sombre. Jaina remarqua alors que Tahiri avait la même blessure que Riina – mais sur l’autre bras.

Alors, elle comprit : Tahiri et Riina, des images inversées l’une de l’autre, se livraient un duel à mort. Ce que l’une faisait à l’autre, elle le subissait aussi… Si Tahiri tuait Riina, elle se tuerait du même coup.

Aucune ne pouvait gagner !

Les deux jeunes femmes se lancèrent dans un dialogue animé. Jaina ne percevait pas de son, car la scène semblait se dérouler sur un plan différent de celui que les images-souvenirs lui montraient…

Ensemble, les duellistes se tournèrent soudain vers Jaina.

L’image-souvenir s’effaça, mais la Jedi eut la certitude que les deux jeunes femmes parlaient d’elle…

Elle se sentit menacée par leur double regard.

Une autre image…

Les jeunes femmes s’étaient relevées. Leurs sabres laser vinrent se nicher d’eux-mêmes dans leurs mains, laissant une tramée de lumière dans les ténèbres.

Anakin est mort, dit la voix de Tahiri. Je ne pourrais jamais le ramener à la vie !

Une tristesse terrible envahit l’esprit de Jaina. Elle repoussa ses émotions, soucieuse de soutenir Tahiri.

Je fuis depuis trop longtemps…

Tahiri avança, brandissant son sabre laser.

Il est temps que j’affronte mes peurs.

Jaina se demanda ce qu’elle pouvait faire.

De très loin, elle entendit la voix de Jag Fel…

Je t’aime, Jaina. Reviens vers moi, je t’en prie…

Une illusion, elle le savait… Jag éprouvait peut-être de tendres sentiments pour elle, mais il ne lui en avait jamais rien dit. Pourtant, cette simple idée lui donna la force dont elle avait besoin.

Affronte tes peurs, Tahiri ! lança-t-elle.

Le paysage mental trembla, comme sur le point de se dissoudre.

Krel os’a. Hmi va ta !

L’obscurité s’épaissit quand la voix dure de la Yuuzhan Vong retentit.

Le rêve se resserra autour de Jaina.

 

Leia encaissa l’onde de choc du mieux qu’elle put. Les cloisons du Faucon tremblèrent. Les bras levés, C-3PO glapit de terreur.

— Ce coup-là est passé bien près ! Encore un peu et on sera frappés de plein fouet !

— Doucement, Bâton d’Or…, grogna Yan, la tête plongée dans un entrelacs de câbles. Les Ryns portent facilement la guigne !

— Seulement à bord de vaisseaux comme celui-là ! rétorqua Droma.

Yan et le Ryn bricolaient les générateurs de boucliers pour améliorer leurs performances et les rendre plus efficaces.

— Le Faucon est parfait ! s’écria Solo en surgissant de l’écoutille. La pince hydraulique, vite !

Droma lui tendit l’outil.

— C’est le plan le plus stupide que j’aie jamais entendu, grommela Droma.

— Quelle partie, en particulier ? demanda Leia.

— Le tout ! Mais surtout cette partie-là ! Le seul truc qui nous maintienne encore en vie, ce sont les boucliers ! Si nous les désactivons accidentellement…

— Ça n’arrivera pas, coupa Solo.

— C’est la voix de l’expérience, peut-être ? railla Droma. Tu l’as déjà fait combien de fois ?

Yan ressortit la tête de l’écoutille en gesticulant avec la pince.

— Ce n’est pas parce que je ne l’ai jamais fait que je ne peux pas le faire quand je veux !

— Alors, pourquoi ne l’as-tu jamais fait ?

— Je n’en avais pas besoin ! Leia, ramène cet enquiquineur dans le cockpit !

Yan disparut dans l’écoutille.

C-3PO se tourna vers Leia.

— Nous sommes perdus ! gémit-il.

— Et emmène aussi Bâton d’Or ! cria Yan.

— Où sont-ils, princesse ? demanda le droïd. Ils devraient être arrivés !

La princesse n’avait rien à lui répondre. Là était le problème. Ils avaient demandé de l’aide à la capitaine Mayn. Un appel resté sans réponse… Leia commençait à avoir un « mauvais pressentiment », comme aurait dit son époux.

Mais elle cacha ses appréhensions. Ça aurait seulement perturbé C-3PO, et exaspéré Yan.

— Essaye ça, Leia ! cria Yan.

La princesse retourna au cockpit augmenter la puissance des boucliers. Un – léger – succès…

— Tu es sur la bonne voie, dit-elle.

Peu après, de retour dans le cockpit, Solo se jeta sur son siège et ajusta les commandes.

— Allons, mon joli, montre-nous ce que…

Une explosion les délogea à demi de leurs sièges. Dans la coursive, Leia entendit C-3PO tomber avec un bruit de ferraille.

Yan appuya frénétiquement sur des boutons.

— Nous allons tous mourir ! glapit C-3PO.

Droma entra à son tour dans le cockpit.

— Votre droïd a raison ! Notre unique bon point, pour l’instant, c’est que les Yuuzhan Vong ignorent où nous sommes exactement. Mais s’ils continuent à bombarder la zone comme ça…

— Ton inquiétude est dûment notée, coupa Yan. En attendant, retourne donc jouer au dejarik avec Cakhmain et Meewalh, et fiche-nous la paix ! C-3PO, comment vont nos passagers, dehors ? Ils sont bien plus fragiles que nous…

Le droïd revint dans le cockpit et gazouilla un message aux Brrbrlpp blottis près du Faucon.

— Les Brrbrlpp m’assurent qu’ils vont très bien, rapporta C-3PO, mais ils craignent – comme maître Droma et moi – que nous soyons bientôt tous détruits. Ils aimeraient savoir si nous avons un plan de secours.

— Croient-ils que nous resterions plantés là si nous en avions un ? grommela Yan.

— Réponds-leur que nous y réfléchissons, C-3PO, ajouta Leia.

Le droïd transmit le message pendant que la princesse se creusait la cervelle à la recherche d’une idée de génie susceptible de les sortir de cette impasse.

— Le moment est venu de bouger ! insista Droma.

— Impossible, trancha Solo. Nous ferions fondre nos invités.

— Ils fondront de toute façon, quand les boucliers céderont. Et nous mourrons tous !

— Attirer sur nous les foudres des Yuuzhan Vong semblait une bonne idée au début, mais elle dépendait surtout de la réception de notre message par nos amis, là-haut.

— Ils l’ont peut-être eu, mais ils ne peuvent rien faire pour le moment, avança Leia. Qui sait ce qui est en train d’arriver…

— Pouvons-nous utiliser les répulseurs ? demanda Droma.

— Sur un kilomètre ou deux, répondit Yan. Mais nous serions toujours dans la zone de bombardement.

— Et si nous demandions à nos invités de s’écarter du vaisseau ? En filant d’ici, nous attirerions les bombardements loin d’eux et nous pourrions riposter.

— Mais combien de créatures seraient tuées ? Et combien de Yuuzhan Vong nous guetteraient à la sortie ?

— Bon. Et si nous creusions un trou ? Le sol est assez meuble, par ici. Une bonne salve, et nous…

— … offririons des cibles idéales aux Yuuzhan Vong qui nous survoleraient. Désolé, mon ami. Pour la même raison, plus question d’envoyer un autre message : s’ils découvrent notre position, ils seront sur nous en un éclair. J’ai bien peur que nous soyons…

Fichus, termina Leia mentalement.

Mais il devait y avoir un moyen de se tirer de là ! pensa-t-elle, frustrée. Sans tuer d’indigènes, et sans se jeter dans un piège !

— J’imagine que feindre une reddition ne marcherait pas, lâcha Droma.

— Pas avec les Vong, répondit Yan. On leur a déjà fait le coup, et maintenant ils se méfient.

La queue flasque de découragement, le Ryn baissa les yeux. Les bombardements continuaient. Chaque fois que le vaisseau était secoué par une explosion, Leia se raidissait, craignant que les boucliers ne cèdent.

— Eh bien, fit Droma, puisque nous n’avons aucun moyen de filer, il y a une chose que je devrais vous dire…

— Excusez-moi, l’interrompit C-3PO, ses photorécepteurs étincelant. Je crois que les Brrbrlpp ont la solution à notre problème.

Yan se tourna vers le droïd.

— Vraiment ?

— Oui, monsieur. Les Brrbrlpp suggèrent que nous nous abritions dans leur plaine de nidation – souterraine, et assez grande pour notre vaisseau. C’est ce qu’ils affirment.

— Et pourquoi nous disent-ils ça maintenant ? s’écria Yan, exaspéré.

— Monsieur ?

— Pourquoi ne l’ont-ils pas suggéré avant ? Ils n’y avaient pas pensé ? Ou ils aiment laisser les gens sur des charbons ardents ?

— J’en doute, monsieur, répondit C-3PO, imperméable à l’ironie de son maître. Il semble que nous ayons gagné leur confiance. Avoir protégé ce groupe au péril de nos vies leur a montré que nos erreurs étaient dues à l’ignorance, pas à la méchanceté.

— Qu’en penses-tu, Leia ? demanda Yan.

— C-3PO, les répulseurs suffiront-ils ?

— Les Brrbrlpp affirment que la zone de nidation est tout près.

— Dans ce cas…

Une explosion l’interrompit, si proche que le vaisseau parut sur le point de se casser en deux.

Solo vérifia les instruments.

— Un de plus comme ça, et nous sommes fichus, annonça-t-il.

— J’ignore ce que vous en pensez, dit Droma en se relevant, mais la suggestion des indigènes me paraît merveilleuse.

— Allons-y, ajouta Leia.

C-3P0 échangea quelques borborygmes avec les Brrbrlpp.

— Ils nous guideront. Nous devrons suivre la direction qu’ils nous indiqueront.

Yan vit les créatures s’aligner devant les tubes à missiles du Faucon, formant une flèche vivante orientée à tribord.

Yan activa les répulseurs, et le vaisseau quitta la surface d’Esfandia. L’atmosphère dense ne parut pas gêner les Brrbrlpp. Protégés par les boucliers, ils n’en subissaient pas les perturbations. Le vaisseau avança, mais leur position par rapport à la coque ne changea pas.

Ils contournèrent une protubérance noueuse du sol, plongèrent dans un cratère creusé par une bombe vong et en ressortirent pour déboucher dans une plaine vallonnée. Au loin, les éclairs des explosions quadrillaient le secteur. Un de ces missiles finirait bien par les trouver…

— C’est encore loin ? demanda Yan, inquiet.

— Non, répondit C-3PO.

— Qui a le sentiment – comme moi – que nous venons d’échanger une tombe pour une autre ? lança Droma. Si nos copains là-haut perdent la bataille, nous serons coincés ici. Les Vong n’auront plus qu’à guetter notre sortie pour nous cueillir en beauté…

— Je n’aime pas ça, marmonna Yan en surveillant nerveusement ses écrans.

A la limite du détecteur à longue portée, des points lumineux qui se déplaçaient en formation se séparèrent, puis zigzaguèrent à travers l’écran.

— Ils procèdent à un balayage systématique de la zone, traduisit Yan.

— J’imagine qu’ils se sont lassés de leur bombardement…, dit Droma. Et ils ont décidé de mettre la main à la pâte.

— Nous ne pourrons plus leur échapper longtemps, confirma Solo.

— Excusez-moi, monsieur, dit C-3PO, mais les Brrbrlpp ont changé de direction.

La ligne de créatures pointait maintenant vers le bas.

— Je ne comprends pas, avoua Yan. Je ne vois rien. Ni cavernes, ni tunnels, ni…

Une lumière rouge clignota sur la console.

— A ta place, Yan, j’essaierais de comprendre, et vite ! lança Leia. Un corail skipper fonce sur nous !

— Que sommes-nous censés faire, C-3PO ? demanda Yan en rasant le sol au maximum.

C-3PO se hâta d’expliquer aux créatures l’urgence de la situation.

— Dépêche-toi ! marmonna Solo. Nous n’avons pas toute la vie devant nous…

— Pas même une minute, renchérit Leia. Ce skip nous aura bientôt rattrapés.

— Exact. Je prépare l’artillerie et les moteurs. Peu importe ce qui nous attend, je tente le coup !

— Yan…, commença Leia.

Sans crier gare, le sol entra en éruption. Leia crut d’abord qu’une bombe vong les avait touchés.

La terre s’ouvrit comme une gueule géante hérissée de crocs. Dans l’obscurité brillèrent des milliers d’yeux jaunes.

Puis la gueule se referma, avalant ses proies.

 

Aveuglée par les larmes, Tahiri luttait pour remettre de l’ordre dans ses pensées. La voix, dans l’ombre, la faisait trembler de peur. Elle ignorait ce qu’elle était, ou ce qu’elle voulait. Mais cette voix était implacable.

Et Riina voulait qu’elle l’attaque…

Que suis-je en train de faire ? se demanda-t-elle.

L’obscurité l’oppressait, menaçant de la dévorer.

— Quelle que soit cette créature, dit Riina, mieux vaut te battre contre elle que contre toi-même.

— Tu n’es pas moi !

— Et tu n’es pas moi. Mais l’une sans l’autre, nous ne sommes plus personne.

— Non !

C’était un cri de douleur et de colère mêlées. Une réaction aux paroles de Riina que Tahiri projeta vers la créature de l’ombre… Elle aspirait à la détruire – et avec elle toutes les vérités qui la gênaient.

— Je ne veux pas cesser d’être moi-même, souffla-t-elle.

L’admettre, même à voix basse, donnerait-il prise à l’entité qui la menaçait ?

L’expression de Riina changea, exprimant une colère que Tahiri sentit courir dans son propre corps.

— Moi non plus !

La jeune Yuuzhan Vong se jeta sur l’ombre. Quelque chose parut bouger, mais Tahiri n’en était pas sûre. Un monstre était-il vraiment tapi dans les ténèbres, ou s’agissait-il d’un rêve ?

Anakin aurait été capable de le déterminer…

La remarque blessante ne venait pas de Tahiri mais… de l’obscurité ! La jeune femme baissa la tête pour cacher ses larmes à Riina. Rien ne semblait pouvoir atténuer la douleur de cette mort prématurée. Toutes les larmes du monde ne l’absoudraient jamais de son sentiment de culpabilité. Elle aurait dû pouvoir le sauver… Et vivre ensuite heureuse avec lui, le monde entier leur souriant…

Une brise effleura l’humidité, sur ses joues.

— J’ai peur, reconnut Tahiri. Ce monde m’effraie…

— Il est tout ce que j’ai connu depuis Yavin 4, dit Riina.

Pour la première fois, Tahiri comprit vraiment la réalité de sa situation.

— Ce n’est pas un rêve ?

— Je suis aussi réelle que la créature de l’ombre que nous combattons.

— Mais Anakin t’a tuée ! Tu es morte !

— Il a cru m’avoir tuée, rectifia Riina. Il m’a seulement obligée à me réfugier dans ton inconscient. En un sens, j’étais effectivement morte : je n’avais pas de corps, plus de sens… rien qui m’appartienne en propre. Il n’y avait que moi, prisonnière de l’obscurité. Un cauchemar ! Par moments, j’ai cru devenir folle. Mais à la fin, j’ai refait surface…

Tahiri trembla. C’était la vérité. Elle l’avait toujours su… Elle avait seulement refusé de le reconnaître.

— Il m’a fallu des mois pour tout reconstituer, continua Riina. A mesure que je récupérais, tu t’affaiblissais. J’ai compris que je n’avais pas à rester dans ce monde de cauchemar. J’ai commencé à lutter. Il m’est même arrivé de gagner. Quand tu t’évanouissais, j’étais capable d’émerger. Mais mon emprise sur la réalité restait précaire, et tu me repoussais sans arrêt. Souvent, j’ai cru que je resterais à tout jamais prisonnière de ces ténèbres – ou, pire, que je disparaîtrais entièrement !

— J’aurais préféré, dit Tahiri.

— Aux pires moments, je n’ai pas abandonné la lutte. J’ai essayé de te repousser dans l’ombre pour que tu saches ce que cette réclusion représentait. Puis ta culpabilité nous a pourchassées toutes les deux ! Alors, j’ai compris que nous étions inséparables. Mon tourment était le tien. Ton sentiment de culpabilité était le mien. Et même si ça te semble impossible, nous sommes liées à jamais. Nous vivons et nous mourrons toutes les deux. Nous n’avons pas le choix.

— Non ! Il doit y avoir un autre moyen !

— Il n’y en a pas, insista Riina. Regarde ta main : c’est la preuve. Si tu me coupes, tu saignes. Si tu me tues, tu meurs.

Tahiri examina la blessure de la main de Riina, qui l’avait affectée aussi, comme par magie. Du sang en perlait toujours. Les propos de Riina pesaient sur elle comme un millier de pierres tombales, mais la Yuuzhan Vong ne mentait pas. Inutile de s’obstiner à nier. Depuis Yavin 4, son esprit était inextricablement lié à celui de Riina. Elles étaient comme des sœurs siamoises. A cette différence près qu’aucun scalpel de chirurgien ne pourrait jamais les séparer.

— Que sommes-nous ? demanda-t-elle. Des Yuuzhan Vong ? Des Jedi ?

— Les deux, répondit Riina, et aucune des deux. Nous devons accepter la créature hybride que nous sommes devenues. Fusionner. Devenir une…

— Mais qui serai-je ?

— Quelqu’un de nouveau, assura Riina. De fort.

Etouffée par l’émotion, Tahiri ne put plus articuler un son. Elle chercha des yeux la créature qui incarnait son sentiment de culpabilité. Etait-ce ainsi qu’elle devait fusionner avec Riina ? En tuant cette créature ? Ensuite, se réveilleraient-elles ensemble de ce cauchemar ? D’une certaine façon, cela semblait la meilleure chose à faire. Mais il y avait dans tout ça un côté obscur et malsain… Et pourtant, quelle autre solution envisager ?

Un cri déchira les ténèbres. La créature de l’ombre, sa culpabilité, la harcelait de nouveau. Tahiri n’en comprenait pas les mots, mais le sens.

— Ma culpabilité m’appelle, dit-elle.

— Il n’y a rien dont tu doives te sentir coupable, dit Riina.

— Celui que j’aimais est mort. Et je porte toujours en moi le baiser qu’il voulait que nous échangions. J’ai dit que je le lui donnerais plus tard, mais il n’y a pas eu de « plus tard ».

— Qui pourrait t’accuser de cela ? Ta culpabilité est imaginaire, Tahiri, et tu le sens au fond de toi.

— Comment sais-tu ce que j’éprouve ?

— Comment je le sais ? Tu ne m’as pas écoutée ? Nous sommes une seule personne, un seul esprit !

Tahiri frémit d’horreur à cette idée… C’était la pure vérité. Elle continuait à la repousser, mais ses pensées étaient comme un livre ouvert pour sa jumelle.

— Tu te punis, tu nous punis, continua Riina, et ça n’a rien à voir avec la mort d’Anakin ou le baiser que tu lui as refusé.

— Alors, c’est quoi ?

— Tu te sens coupable de continuer à vivre sans Anakin. Et surtout d’apprendre à exister sans lui.

Tahiri aurait voulu réfuter les paroles de Riina… Impossible. La vérité lui crevait les yeux.

— Oublie, Tahiri. Il n’y a aucune honte à ça. Le moment est venu de laisser le chagrin derrière toi. Tu l’as déjà fait, mais tu ne le sais pas encore. Voilà tout.

Tahiri détesta Riina, qui avait percé à jour ses sentiments. Furieuse, elle projeta son sabre laser dans les ténèbres. Il tourbillonna, illuminant les ombres, les crevasses et les rochers du vaisseau-monde où elles étaient. Et, pendant qu’il virevoltait dans l’obscurité, elle sentit son chagrin s’apaiser.

Elle eut le sentiment de s’éveiller.

— Riina, je sais maintenant ce que j’ai à faire.

Elle frémit à l’idée de tout ce qu’elle abandonnerait peut-être derrière elle : la famille Solo, son devoir de Jedi, ses souvenirs…

Elle se demanda soudain dans quelle mesure tout cela la concernait. La famille d’Anakin n’était pas la sienne. Les Chevaliers Jedi survivraient très bien sans elle. Et ses souvenirs lui apportaient seulement de la souffrance. Tant qu’elle ne sombrait pas dans le Côté Obscur, elle pourrait en toute bonne conscience tourner le dos à ce qu’elle avait été.

L’heure n’était plus à la réflexion. Lentement, avec la sensation de tomber, elle tendit la main, et son sabre laser revint se nicher dans sa paume.

Les ombres se dissipant, la jeune femme découvrit ce qui les traquait… Non un dieu surgi des méandres d’un esprit non-humain, le Côté Obscur, son sentiment de culpabilité ou son désespoir…

C’était Jaina.

Une dernière fois, Tahiri fit face à son double.

— Je sais ce que tu penses, dit Riina. N’écoute pas ! Elle te ment, elle jette de l’huile sur le feu… Elle ne veut pas t’aider, seulement te garder prisonnière. Avec moi. (Riina approcha de Tahiri et lui tendit la main.) Joins-toi à moi ! Ensemble, nous ferons le nécessaire pour être libres.

— Oui. Je crois que je comprends, maintenant.

— Ne réfléchissons plus. Agissons !

Tremblante, Tahiri prit la main de Riina. Ensemble, elles affrontèrent l’obscurité.

 

— Si nous n’avons pas bientôt des réponses, dit Mara, furieuse, je vous assure que vous aurez toutes les raisons de craindre les Jedi !

Luke posa des mains conciliantes sur les épaules de sa femme, mais elle était trop énervée.

— Je vous dis la vérité, insista Darak. Nous ignorons qui est responsable de cette attaque !

— Quelqu’un doit le savoir ! Les dissidents comme celui-là ne naissent pas en une nuit. La rébellion couve depuis longtemps…

— Absurde ! feula Rowel. Il n’a plus eu d’agitation sur Zonama depuis des dizaines d’années !

— Il y a en maintenant ! Cette attaque n’avait rien d’improvisé. Je ne critique personne, je veux juste savoir ce qui est arrivé à nos amis. Et que vous sembliez indifférents à leur sort m’irrite profondément !

— Nous ne sommes pas indifférents ! protesta Rowel. Au contraire, la présence d’étrangers livrés à eux-mêmes sur notre planète nous inquiète beaucoup ! Nous nous soucions…

Luke interrompit Rowel avant qu’il ne fasse sortir Mara de ses gonds.

— Sekot pourrait nous aider. Peut-on lui demander si elle sait où sont nos compagnons ?

Les Ferroans échangèrent un coup d’œil.

— Depuis l’attaque des Etrangers, répondit Darak, Sekot se régénère. Son attention est ailleurs. Il est peu probable qu’elle sache où sont vos amis.

— Essayons, insista Mara. Et la Magistère ? Elle pourrait peut-être le lui demander en notre nom.

— Elle se repose.

— Nous ne voudrions surtout pas la déranger ! grogna Mara sèchement.

— Je vous en prie, réveillez-la, demanda Luke. Je suis sûr qu’elle souhaiterait être informée de ce qui se passe.

Les Ferroans échangèrent un autre coup d’œil.

Puis Darak s’en fut.

Luke éprouva peu de satisfaction. Que les Ferroans se soient décidés à avertir la Magistère était seulement une première étape.

Il pleuvait toujours. Dans le tampasi, Jacen, Saba et Danni restaient hors de portée de ses perceptions. S’ils ne revenaient pas par leurs propres moyens, il aurait du mal à les localiser sans l’aide de Sekot ou de la Magistère.

— Vous vous trompez en pensant que Sekot est informée de tout ce qui se produit à sa surface, dit Rowel. Elle n’en est pas plus capable que vous de surveiller chaque cellule de votre corps.

— Pourtant, à notre arrivée, elle nous a localisés aisément.

— Dans l’espace, c’est différent. Dans le vide cosmique, les éléments isolés sont plus faciles à repérer. Nous avons prié les communautés voisines de surveiller tout mouvement insolite à travers le tampasi. En dépit du mauvais temps, Darak essaiera de convaincre les vaisseaux de survoler la région.

— C’est un bon début, approuva Luke. Merci.

— Je vous en prie, n’allez pas imaginer que ce genre de comportement est habituel chez nous. Nous sommes pacifiques. Ici, les attaques et les prises d’otages n’arrivent jamais.

— La peur de l’inconnu ou de la différence rend souvent les gens irrationnels, dit Mara, radoucie. Mais pour l’instant, nous voulons une seule chose : retrouver nos amis sains et saufs.

— Soyez sans crainte. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir.

Un étrange sentiment troubla soudain la Force. Luke ferma les yeux pour se concentrer. Ça venait du tampasi, mais où ? Luke fut dans l’impossibilité de le déterminer.

— Tu l’as senti, toi aussi ? demanda Mara.

— Oui. C’est Jacen. Je crois qu’il va bien. Je n’ai pas perçu de danger imminent.

— Ils reviennent ? demanda Hegerty.

— Je ne suis pas sûr, avoua Luke. Il m’a semblé que non.

— Et les autres ? insista la scientifique. Ils vont bien ?

— Je ne peux pas le détecter par la Force, mais je crois, oui.

— Essayons quand même de les retrouver, dit Mara.

— Oui.

Rowel ouvrit la bouche, mais il fut interrompu par le retour de Darak, qui avait l’air très inquiète.

— Elle n’est plus là ! cria-t-elle.

— Qui ? demanda Mara.

— La Magistère ! Elle a été emmenée hors de ses appartements !

— Emmenée ? Que veux-tu dire ? demanda Rowel. Pourquoi aurait-on fait ça ?

— Je crois comprendre, dit Luke. Ce n’était pas Danni que les ravisseurs voulaient, mais Jabitha. Pendant que vous étiez occupés avec nous, ils l’ont enlevée.

Darak et Rowel eurent l’air horrifié.

— Danni, Jacen, Saba… Et maintenant la Magistère. Qui d’autre sera capturé avant la fin de la nuit ? demanda Mara.

 

Jag battit des records de vitesse pour arriver dans la chambre de Tahiri. Il y retrouva Dantos Vigos, l’officier médical en chef du Sélonia, et Selwin Markota, le second de la capitaine Mayn – qui ouvrirent des yeux ronds en le voyant entrer en trombe.

Le souffle rauque, Jaina était allongée sur le lit à côté de Tahiri.

— Qu’est-il arrivé ? lança Jag en arrachant son casque de vol.

— Détendez-vous, implora Markota.

— Je me détendrai quand je saurai ce qui se passe !

— C’est tout le problème, répondit Vigos. Nous n’en savons rien ! Peu après l’arrivée en orbite autour d’Esfandia, nous avons trouvé Jaina inconsciente, effondrée à côté de Tahiri, la main dans la sienne… Nous les avons scannées. Aucun signe d’anomalies physiques, mais leurs cerveaux sont en pleine activité.

— Comment expliquez-vous ça ? demanda Jag.

— Je ne l’explique pas, répondit Vigos en haussant les épaules.

— Vous devez au moins avoir une hypothèse de travail !

Vigos soupira.

— Exact… Mais c’est seulement une théorie, basée sur ce qu’on m’a rapporté du comportement récent de Tahiri. A mon avis, elle s’est retranchée en elle-même. Elle souffre d’une sorte de dédoublement de la personnalité. Je crois qu’elle a délibérément intériorisé le conflit pour éviter qu’une des deux personnalités prenne le pas sur l’autre – et s’abroge le contrôle de son corps.

— Je vois, fit Jag. Mais quel rapport avec Jaina ?

— Je pense qu’elles ont fusionné, expliqua Vigos. Je ne suis pas un Jedi, mais je soupçonne Jaina d’avoir tenté cette fusion pour secourir Tahiri. L’aider à survivre…

Même inconsciente, Jaina avait l’air épuisée.

— Alors, pourquoi ne réagit-elle pas ? Si elle s’est volontairement infiltrée dans l’esprit de Tahiri, pourquoi ne se réveille-t-elle pas pour nous dire ce qui se passe ?

— Impossible à savoir, soupira Vigos. Je suis désolé.

Une image bizarre s’imposa à l’esprit de Jag. L’esprit de Tahiri ? Un piège attirant inexorablement ceux qui s’y aventuraient. Une nasse… Les Jedi qui s’y jetaient risquaient de s’y perdre à jamais.

Mais en quoi cela serait-il utile à Riina ?

Frustrés, les trois hommes regardèrent les deux jeunes femmes inconscientes. Jag ne voulait pas en rester là, mais que faire ? Sensible à la Force, il n’aurait pas hésité à se joindre à la fusion pour essayer de rejoindre la femme qu’il…

Il s’interrompit, puis accepta l’idée. Oui, celle qu’il aimait était en danger. Il devait réagir !

— Vous avez sans doute tenté tout ce que vous pouviez, dit Jag. Mais moi, je refuse de baisser les bras.

Vigos eut l’air incertain.

— Qu’avez-vous l’intention de faire ?

— Lui parler. Elle m’entendra.

— Colonel, nous avons essayé de…

— S’il vous plaît, laissez-moi seul avec elle, coupa Jag.

Markota hésita, puis fit signe au médecin.

— Appelez-moi s’il y a un changement, demanda Vigos.

— D’accord, répondit Jag.

Les deux hommes sortis, Jag posa son casque et s’assit au bord du lit, à côté de Jaina. Il lui prit la main. Malgré sa détermination, il s’avoua qu’il ignorait quoi faire. Il n’y avait pas d’ennemi sur qui tirer : seulement Jaina, prisonnière de l’esprit d’une jeune femme très malade qui avait aussi besoin d’aide…

— Je suis là, murmura-t-il. Et je ne bougerai pas tant que tu ne reviendras pas à toi, Jaina. Tu sais ce que ça veut dire, n’est-ce pas ? Soleil Jumeaux n’a plus de chef. Et c’est inacceptable !

Il la dévisagea. Sa démarche aurait-elle un effet immédiat ? Contre toute attente, il l’espérait. Mais sur le visage de Jaina, il ne détecta aucun signe miraculeux de retour à la conscience.

Il serra la main de la jeune femme dans les siennes. La pièce était probablement sous surveillance, mais peu lui importait. Seule comptait Jaina.

— Je t’aime. Je t’en prie, reviens !

 

Tous ses sens en alerte, Saba avançait. Ses compagnons avaient quitté le sentier et foulaient maintenant le tampasi sauvage. En dépit de l’absence de piste, les Ferroans semblaient s’orienter sans peine. De temps à autre, ils donnaient la direction à suivre à Saba ou Jacen, sans engager la conversation. Et ils gardaient leurs distances.

Plus ils progressaient, plus le malaise de Saba augmentait, surtout à cause de l’état de Danni. Jacen, qui n’aurait jamais volontairement mis en danger la vie de la jeune femme, avait l’air aussi soucieux qu’elle. Saba brûlait d’envie de soulever Danni dans ses bras et de prendre la fuite avec elle pour rejoindre leurs compagnons. Là, Danni recevrait rapidement des soins médicaux… Mais Saba faisait confiance à Jacen. Il voyait les choses différemment, sur un plan plus fondamental, et pour cette raison, elle était prête à lui laisser le commandement.

Ils atteignirent un énorme tronc d’arbre jeté en travers d’une rivière en crue. Trois Ferroans s’y engagèrent les premiers, faisant signe à Saba et à Jacen de les suivre. Les quatre derniers indigènes formaient l’arrière-garde. Des épines pointues tailladèrent la peau épaisse de Saba, qui recourut à la Force pour les écarter de Danni et d’elle.

Ils débouchèrent devant une paroi rocheuse cachée à la vue par un bosquet d’immenses boras. A la base de la paroi saillait un surplomb de cinq mètres de haut sur dix de large.

Saba et Jacen furent poussés dessous, où s’étaient massés des Ferroans.

Ils entourèrent les étrangers dans la zone sablonneuse qu’abritait le surplomb, puis laissèrent le passage à un très vieux Ferroan, aussi ridé que Jabitha. Ses cheveux courts étaient encore noirs.

— J’ai demandé qu’on m’amène un otage, et voilà que vous revenez avec une délégation entière ! Que signifie cette comédie ?

— Trois, ça paraissait mieux qu’un, Senshi…, fit Tourou.

La suggestion implantée par Jacen dans son esprit commençait à s’effacer.

— Imbécile ! grogna Senshi. Ces étrangers ont des pouvoirs qu’ils utilisent pour que leurs paroles semblent raisonnables.

— Il est exact que j’ai influencé leur décision de nous conduire ici, avoua Jacen, mais je l’ai fait seulement parce que je souhaitais m’entretenir avec vous. Il importe que vous compreniez de quoi il retourne. Nous ne sommes pas venus sur votre planète pour causer des problèmes, mais parce que…

Senshi éclata de rire.

— N’essayez pas de me persuader, Jedi ! Je réagis aux actes, pas aux paroles vides de sens. Les actes récemment commis contre notre planète parlent d’eux-mêmes.

— Ces attaques sont le fait des Etrangers, souligna Jacen. Elles n’ont rien à voir avec nous.

— Vous êtes tous des étrangers à nos yeux, répliqua Senshi. Les actes des uns reflètent les intentions des autres.

— Et vos actions ? demanda Saba. Qu’est-ce qu’un rapt révèle sur vous-mêmes ?

Avant que Senshi puisse répondre, un coup de tonnerre éclata et la pluie reprit de plus belle.

Quand le tonnerre se tut, Senshi écrasa ses otages de son mépris, ne daignant pas répondre à Saba.

A cet instant, d’autres Ferroans arrivèrent, portant, sur une civière, un corps couvert d’une bâche. Saba crut d’abord que les ravisseurs étaient retournés s’emparer d’Hegerty. Mais quand les Ferroans enlevèrent la bâche, l’inquiétude de Saba se transforma en étonnement. Ce n’était pas Hegerty, mais la Magistère.

— Maintenant, jubila Senshi, ils ne pourront plus nous ignorer.

Jacen avança.

— Pourquoi enlever la Magistère ? demanda-t-il.

— Parce qu’elle a oublié nos tourments la dernière fois que des étrangers sont venus ici ! Elle a oublié les incendies, les tremblements de terre, les ouragans qui ont déraciné d’innombrables boras, la fumée qui a envahi le ciel… Elle a oublié tous les morts que nous avons tant pleurés ! Pas question de la laisser faire et de revivre ces temps maudits ! Nous ne sommes pas venus ici pour tout reconstruire, puis tout gâcher ! Nous voulons un sanctuaire.

— Vous vous rappelez l’époque antérieure à l’Errance ? demanda Jacen.

— Aussi clairement que si c’était hier, affirma Senshi. J’ai perdu mes enfants, ma compagne, mes parents, mon frère et ma sœur. Et trop d’amis ! J’étais seul, et j’aurais voulu mourir aussi. Mais j’ai survécu. J’ai souffert avec Sekot pendant notre recherche d’un sanctuaire, et je me suis réjoui quand nous avons finalement trouvé la paix. Maintenant, j’ai de grandes craintes devant le retour des Etrangerset des Jedi ! Nous savons ce que cette association diabolique signifie. Je ne laisserai pas la Magistère nous plonger dans un nouveau cycle de mort et de désolation !

— Sekot nous a accueillis, rappela Jacen.

— J’ai seulement la parole de la Magistère pour le croire.

— Pourquoi mentirait-elle ?

— Parce qu’en oubliant, son esprit est devenu confus. Sa faiblesse nous met en danger. Personne ne veut devenir de la chair à canon dans la guerre des autres.

Saba comprenait la douleur du Ferroan. Elle la sentait aussi bien que la sienne. Dans la situation de Senshi, elle aurait probablement réagi de la même façon. Mais comment penser une seconde que la Magistère puisse passer outre la volonté de son peuple si les sentiments de Senshi étaient partagés par d’autres ? De plus, que Sekot tolère un tel comportement chez sa propre médiatrice était improbable.

— Et maintenant ? demanda Jacen. Qu’espérez-vous accomplir ?

— Nous avons accompli tout ce que nous osions espérer, répondit Senshi. Et démontré ainsi qu’on ne peut pas facilement nous oublier. Quand la Magistère se réveillera, elle n’aura pas le choix : elle devra nous écouter. De toute manière, nous vous gardons en otages. Ainsi, le désastre sera évité.

— En refusant de nous écouter, dit Jacen, vous risquez de provoquer un désastre bien pire.

— Lequel ?

— La domination de la galaxie par un pouvoir plus destructeur que vous ne sauriez l’imaginer. Quand cet ennemi aura établi ses bases sur les ruines de nos mondes, il se jettera sur vous. Les Etrangers ont été repoussés une fois, mais lorsque leurs vaisseaux de guerre envahiront ce système, ce ne sera plus si facile. Ils implanteront des usines biologiques sur toutes les planètes de ce système pour remplacer les navires que vous détruirez. Puis ils placeront des interdicteurs à l’entrée de la bulle d’hyperespace pour vous empêcher de fuir. Qu’arrivera-t-il alors, Senshi ? Qui appellerez-vous à l’aide quand la population de cette galaxie aura été exterminée ou asservie ?

Le jeune humain parlait avec l’assurance d’un homme qui dit la vérité. Saba vit que Senshi n’était pas insensible à cette force de persuasion, même s’il refusait de le reconnaître.

— Vous ne me convaincrez jamais que nous avons besoin de vous.

— Par bonheur, ce n’est pas vous que nous devons convaincre, mais Sekot. Si vous avez l’intérêt de votre planète à cœur, vous accepterez sa décision. Qu’elle m’écoute à travers vous ou à travers la Magistère – et elle décidera.

Un grondement sourd roula dans le tampasi quand Jacen se tut. Saba sentit une contraction musculaire involontaire courir le long de son échine. Silencieux, les Ferroans assistaient à l’affrontement entre Jacen et Senshi. Il y avait dans leurs yeux de la peur et de l’incertitude.

— La journée a été longue, reprit Senshi. Nous sommes tous fatigués. A moins que la Magistère se réveille avant, nous nous reposerons jusqu’à l’aube. A la lumière du jour, les choses seront peut-être plus claires.

— Nous resterons jusqu’à l’aube, répondit Jacen.

Sa voix était calme, mais ferme.

— Vous resterez jusqu’à ce que je décide de votre libération, répliqua froidement Senshi.

— Je suis prête à en discuter avec vous ! lança Saba, tout aussi froidement.

Le Ferroan lui jeta un regard noir, sans relever le défi. Il se détourna des Jedi et distribua des ordres. Les Ferroans déroulèrent leurs sacs de couchage, sortant des provisions. Tourou conduisit Saba et Jacen vers une alcôve rocheuse, au fond du surplomb. Il y fit amener la civière de Danni et l’enroula dans des couvertures.

Saba n’avait pas l’intention de dormir, et Jacen non plus. Il regardait Senshi parler à l’autre groupe.

— Et maintenant ? demanda Saba.

— Maintenant, nous attendons, répondit Jacen.

— Tu as un plan ?

— Pas vraiment pour l’instant, excepté démontrer à Senshi que nous ne voulons pas de mal aux siens, en dépit de leurs provocations.

— Je pourrais porter Danni pendant que tu libérerais la Magistère, et…

— Trop difficile. Et ils sont trop nombreux. Quelqu’un finirait par être blessé. Nous pouvons nous permettre d’être patients…

Saba n’en était pas si sûre.

— Danni est inconsciente depuis trop longtemps. Bientôt, elle aura besoin de soins.

Jacen repoussa une mèche de cheveux humide du front de Danni et, par la Force, lui envoya des ondes de guérison.

— Tout ira bien pour elle. J’en suis sûr.

Mais il ne regarda pas Saba, et sa voix manquait de conviction.

 

Tahiri frémit en percevant l’ombre de Jaina, dans la prison de son esprit.

— Tuons-la ! s’écria Riina. Elle est vulnérable, et nous la prendrons par surprise.

— Non, répondit Tahiri. Pas question. Je ne dois pas. Loin de me libérer de ma culpabilité, cet acte l’aggraverait. La tuer m’enverrait vers le Côté Obscur. Et tu aimerais ça, pas vrai, Riina ? C’est pour ça que tu as brouillé ma vue, pour que je ne m’aperçoive pas que c’était elle !

La jeune Yuuzhan Vong sembla… rapetisser.

— Tu disais vrai en affirmant que nous ne pourrions jamais être séparées, mais tu es persuadée que si je m’allie au Côté Obscur, je deviendrai prisonnière de ces terres de l’ombre. Et du coup, ça ferait de toi la personnalité dominante.

Riina ne répondit pas.

— Je préférerais rester prisonnière ici à tout jamais plutôt que te lâcher dans mon univers !

Riina voulut se retirer, mais Tahiri tint bon. Malgré leurs doigts poisseux de sang, sa volonté l’emporta.

— C’est le moment, dit-elle. J’en ai assez d’être perdue !

Les lèvres de leurs blessures se rapprochèrent et les plaies se résorbèrent comme si elles n’avaient jamais existé. Troublée par cette sensation étrange, Tahiri et Riina haletèrent. La première regarda, inquiète, leurs doigts fusionner comme si l’épiderme enveloppait indifféremment les mains de l’une ou de l’autre. Dans le regard de Riina, Tahiri vit se refléter toute l’horreur qu’elle éprouvait.

La fusion continua le long de leurs bras, les attirant inexorablement l’une vers l’autre.

Riina se débattit de plus belle, mais Tahiri ne lâcha pas prise – même si elle partageait la répulsion de la Yuuzhan Vong.

— Tu as encore le temps de changer d’avis ! cria Riina. Nous ne sommes pas forcées de faire ça !

— Tu te trompes. Nous y sommes obligées. C’est la seule solution.

Malgré sa détermination, Tahiri mourait de peur. Elle était certaine d’être sur la bonne voie mais… quelles en seraient les conséquences ?

Le nœud atteignit leurs coudes.

— Nous devons accepter, insista Tahiri. Nos cultures, nos croyances, nos connaissances.

— Nous devons accepter, répéta la Yuuzhan Vong, soudain sereine. Nos émotions, nos vies, nous-mêmes…

Tahiri inspira à fond quand le nœud de chair atteignit leurs têtes et les unit lentement. Leurs nez se touchaient presque.

— Le bon et le mauvais, ajouta Riina, ses lèvres effleurant celles de Tahiri.

— La lumière et l’obscurité, conclut Tahiri. Nous devons accepter…

 

— C’est un piège ! cria Droma.

C-3PO bascula en arrière quand le Faucon Millenium fut aspiré dans la gueule béante.

Leia luttait pour conserver l’équilibre pendant que Yan se battait avec les commandes. A son air exaspéré, elle comprit qu’il allait enclencher les moteurs sans consulter les Brrbrlpp…

Mais quelque chose, dans l’espace qui s’étendait devant eux, accrocha le regard de Leia. Agrippée à son siège, elle se pencha pour mieux voir.

— Je crois savoir de quoi il s’agit !

— Peu m’importe ! cria Yan. Toute créature qui veut nous manger est un danger !

— Ce n’est pas ça. Regardez !

Au moment où la gueule béante se refermait sur eux, tous les regards se tournèrent vers l’écran. L’algorithme d’amélioration de l’éclairage ajusta le niveau à l’obscurité environnante, cherchant dans le spectre l’infrarouge et d’autres fréquences des informations sur l’environnement. Le Faucon paraissait entouré de nombreuses colonnes verticales, telles les dents d’une bouche gigantesque.

Mais la « bouche » ne mastiquait pas. Pas d’écrasement ni de déchiquetage en prélude à l’ingestion dans l’estomac d’une énorme bête souterraine…

— Tu vois ces colonnes ? fit Leia. Ce sont des poteaux de soutien. Et les yeux…

Yan gloussa.

— Des hublots, pas vrai ?

— La station de relais ? demanda Droma qui en croyait à peine ses yeux – et sa chance.

— Elle était là depuis le début, comprit Yan, en coupant l’alimentation des répulseurs.

Le Faucon se posa.

— Peut-être pas, dit Leia.

Un câble se détacha de la structure et se fixa à la coque du cargo déglingué.

— Ici le commandant Ashpidar de la base de communication à longue distance d’Esfandia, dit une voix grave.

Leia vit qu’il s’agissait d’une Gotal, ce qui semblait approprié. Ces extraterrestres à double corne, sensibles à l’énergie, étaient parfaitement à leur place dans un endroit sinistre comme celui-là.

— Désolée que nous ayons mis si longtemps à arriver. Les informations voyagent lentement au sein des Etres de Glace.

— Vous savez qui nous sommes ? demanda Leia, répondant par le même moyen qu’Ashpidar – le câble.

Les équipes de recherche des Yuuzhan Vong étaient trop proches pour utiliser un autre système com.

— Nous savons que vous venez nous aider, et c’est tout ce qui compte. Nous nous étions abrités dans des plaines de nidation à une dizaine de kilomètres d’ici quand votre message est arrivé. Les tunnels qui connectent les plaines sont étroits mais praticables. Nous sommes venus le plus vite possible.

— Combien de personnes avez-vous sous votre commandement ?

— Quinze, répondit Ashpidar. Au début des bombardements, nous avons perdu les deux techniciens qui entretenaient le détecteur. Ici, nous sommes en sécurité. Pour le moment…

Leia espérait que la situation ne se dégraderait pas. Elle aurait détesté être responsable de davantage de morts.

Elle identifia rapidement son vaisseau et l’équipage. Puis elle expliqua le but de leur venue, et précisa qui ils avaient amené pour défendre la base.

— Des Impériaux ! fit la Gotal, surprise. Ce sont les derniers que je m’attendais voir un jour coopérer avec vous !

— Les temps changent, dit Yan. Mais réfléchissons plutôt à la suite des opérations !

— Je vais organiser une liaison par tube ombilical pour nous rencontrer et débattre de vive voix.

— Bonne idée, approuva Leia. Nous vous protégerons jusqu’au départ des Yuuzhan Vong.

— Nous sommes en sécurité, rappela Ashpidar. A moins de rompre le silence com ou de nous exposer inconsidérément, nous pourrions nous cacher ici indéfiniment.

— A supposer que les tactiques de l’ennemi ne varient pas…

— A propos, intervint Droma, taisez-vous un peu et écoutez !

Leia et Yan obéirent… et entendirent seulement les systèmes de recyclage d’air.

— Quoi ? fit Solo.

Le Ryn balaya le sol avec sa queue.

— Le bombardement a cessé. Et ça signifie une seule chose.

— Ils ont abandonné ? suggéra Yan.

Droma fronça les sourcils.

— J’aurais plutôt cru qu’ils avaient décidé de venir jeter un coup d’œil… de plus près.

L’estomac de Leia se noua. Elle préférait la suggestion de son mari, mais celle de Droma était juste.

— Commandant, décrochez ce tube ombilical ! Je crois que nous aurons bientôt de la compagnie !

 

Luke et Mara restèrent avec les Ferroans qui tentaient de localiser les ravisseurs.

Les dirigeables traversèrent le ciel nocturne orageux. Luke apprit qu’un vaste réseau de racines reliait les boras sur toute la planète. Il relayait les informations entre les habitants. Des Ferroans qui vivaient à l’autre bout de la planète se mêlèrent aux conversations, certains pour essayer d’aider, d’autres afin d’exprimer leur inquiétude à l’idée que la Magistère puisse être en danger.

Darak et Rowel leur assurèrent que tout s’arrangerait. Sous leurs dehors impassibles, Mara les savait tous les deux plus inquiets qu’ils le laissaient paraître.

Cette angoisse augmenta quand le réseau de boras livra les premiers indices sur l’identité et les intentions des ravisseurs. Ils avaient agi avec rapidité.

Presque trop, pensa Luke.

— Une idée de ce que veut Senshi ? demanda Mara.

— Aucune, je le crains, répondit Rowel.

— J’ai entendu parler de Senshi, dit Darak. Il a une plantation au nord, où il cultive des rogirbolns – les fruits blancs qu’on vous a servis au repas. Il est connu pour ses discours enflammés sur l’Errance. Et il n’a pas peur de parler de son idéal : une Zonama parfaite et interdite aux étrangers !

— Est-il connu pour avoir été un dissident actif ? demanda Luke.

— Pas à ma connaissance, répondit Darak. Mais il a beaucoup de partisans. Il aurait les ressources et les contacts nécessaires à l’organisation de ces enlèvements.

— A-t-il pu conduire les otages dans sa plantation ? demanda Mara.

— Non, affirma Darak. La plantation est à l’opposé de la direction qu’ils ont prise. Nos agents y guettent néanmoins les ravisseurs, au cas où ils seraient revenus sur leurs pas. Mais je doute qu’on y trouve quoi que ce soit.

Luke soupira. De temps en temps, il recevait une onde mentale rassurante de Jacen, mais sa présence dans la Force était très faible.

Après une nuit qui parut interminable, une aube verdâtre se leva. La pluie diminua, et une partie de la faune se montra. Des oiseaux étincelants voletaient entre les branches, et de petits animaux grimpèrent aux arbres pour se gorger de frondes et de fleurs. Des reptiles ondulaient dans les lichens, au pied des boras.

Partout où Luke regardait, la vie s’épanouissait. Cela lui redonna un peu d’optimisme. Quoi qu’il arrive à Jacen, Saba, Danni ou Jabitha, la vie continuerait…

Au crépuscule, la capitaine Yage du Faiseur de Veuves le contacta.

— Ici, tout est tranquille, dit-elle. Je reste sur l’orbite qu’on nous a assignée. J’ai envoyé des sondes dans le système, mais il n’y a pas trace des Yuuzhan Vong.

— Des nouvelles de Mon Calamari ?

— Pas la moindre. Ou ils nous ignorent, ou quelqu’un a coupé les communications.

— Je vous parie que je sais qui c’est, dit Mara.

— Les Chiss ont-ils rapporté des mouvements de troupes sur les frontières des Régions Inconnues ?

— De leur côté, il n’y a rien eu. Mais si quelqu’un a détruit les bases de relais, ils ne l’auront pas su.

— Dans ce cas, espérons que quelqu’un d’autre travaille à tout arranger, reprit Mara. Je détesterais avoir des bonnes nouvelles et personne à qui les donner !

Luke appela Tekli avec son comlink. La guérisseuse Jedi était désœuvrée, puisque l'Ombre de Jade étant toujours retenue par la végétation. Mais Luke fut soulagé d’apprendre qu’il ne s’était rien passé. Apparemment, leur politique de non-agression avait l’effet escompté. Sekot ne réagirait pas tant qu’ils n’attaqueraient pas…

Au fil des heures, il devint clair que les ravisseurs échappaient à toutes les recherches.

Après avoir mangé des fruits au petit déjeuner, Hegerty se dégourdit les jambes. Au terme d’une nuit blanche, elle était éreintée. Luke lui avait suggéré de dormir, mais tant que leurs compagnons n’auraient pas été retrouvés, avait-elle répondu, le sommeil la fuirait. Hegerty n’était pas une guerrière, et l’attaque de la veille l’avait secouée.

— Vous avez l’air épuisée, Soron, dit Luke.

— Ça va. Je réfléchissais…

— A quoi ?

— Senshi devait avoir une raison de capturer la Magistère, non ?

— Exact.

— Si ce n’est pas pour lui faire du mal, ou exiger une rançon, je ne vois qu’une seule autre raison.

— Laquelle ?

— Il veut lui parler. La Magistère n’a peut-être pas fait à Senshi l’honneur de lui accorder un entretien. Ou elle l’a écouté, sans donner suite. Maintenant, elle n’a peut-être plus le choix…

— Et ce serait une mauvaise chose ?

— Tout dépend de ce qu’il a à dire, j’imagine. Et s’il peut être convaincant ou pas…

 

Sur la passerelle du Droit de Gouverner, Pellaeon savourait le silence – sans se détendre pour autant. Le retrait des Yuuzhan Vong en orbite géosynchrone, au-dessus de l’hémisphère occidental d’Esfandia, tombait à pic. Il avait permis aux pilotes impériaux de se reposer. Mais c’était seulement un répit, dû à l’habile manœuvre de Jag Fel. Le commandant Vorrik disposait toujours de forces supérieures en nombre, et pouvait reprendre le combat à tout moment.

Pellaeon n’en doutait pas.

Au moins, pour l’instant, l’ennemi ne pilonnait plus Esfandia. Mais il devenait aussi plus facile, pour les deux camps, de détecter et d’intercepter tout vaisseau adverse tentant de rallier la surface… Ceux qui se trouvaient sur la planète étaient pour le moment en sécurité, mais… coincés.

— Monsieur. J’ai les informations que vous avez demandées.

— Allez-y, répondit Pellaeon sans se retourner.

— Une analyse détaillée de la télémétrie révèle au moins deux atterrissages pendant la bataille. L’un des vaisseaux était sans aucun doute le Faucon Millenium.

— J’aurais dû m’en douter. Il fonce au cœur de l’action, comme toujours. Et le second ?

— Un transport de troupes en corail yorik. Nos chasseurs ont détruit deux navires similaires avant qu’ils n’atterrissent, mais l’un d’eux a disparu pendant la bataille. On a supposé qu’il avait brûlé en entrant dans l’atmosphère. Mais nous pensons maintenant qu’il a atterri.

— Savons-nous où ?

— Nous avons déterminé une zone de cent kilomètres de rayon. Mais il peut s’être déplacé.

— Nous l’avons perdu de vue ?

— Oui, monsieur.

— Et le Faucon ?

— Aussi. Nous ne cherchions pas à localiser ces vaisseaux, monsieur, sinon…

— Cherchez-les immédiatement !

— Oui, monsieur.

— Et le bombardement ? Pourrait-il être lié à la position du Faucon ?

— C’est possible, monsieur. A moins que les Yuuzhan Vong aient détecté dans ce secteur des signes de la présence de la station de relais.

— L’essentiel est qu’ils aient cessé de tirer… Bon travail. (Pellaeon regarda attentivement son aide de camp. Elle avait l’air épuisée.) Maintenant, quittez la passerelle et prenez un peu de repos.

— Monsieur ?

— Je vous rappellerai quand la situation l’exigera. Je vous l’assure !

— Mais…

— C’est un ordre. Je veux que mon équipage soit en forme. Ça vaut pour tout le monde. Assurez-vous que les hommes soient remplacés par rotation, afin que tous aient le temps de manger et de se reposer. Un nouveau répit comme celui-là risque de ne pas se représenter avant longtemps.

La jeune femme salua, une lueur de gratitude dansant au fond de ses yeux, et s’éloigna.

Pellaeon se tourna vers l’officier le plus proche.

— Passez-moi la capitaine Mayn.

— Tout de suite, monsieur.

Un hologramme apparut quelques instants plus tard.

— Grand Amiral, que puis-je pour vous ?

— Nous avons remarqué la présence du Faucon Millenium à la surface d’Esfandia. Quelle est la nature de sa mission ?

Mayn hésita.

Pellaeon soupira.

— Capitaine, puis-je vous rappeler que nous sommes dans le même camp ?

— Ils tentent de secourir l’équipage de la base de relais.

— Avez-vous eu des nouvelles, depuis ?

— Nous avons eu une transmission venue de la région bombardée par les Yuuzhan Vong, mais elle était brouillée. Nous supposons qu’elle émanait du Faucon, mais nous n’avons pas pu la déchiffrer.

Une fois de plus, l’impérial se demanda jusqu’à quel point il pouvait se fier aux officiers de l’Alliance Galactique avec qui on l’avait forcé à collaborer… Si Leia Organa Solo avait décidé de garder secrets certains aspects de la situation quitte à mettre en danger la vie de ses équipages, la capitaine Mayn le lui dirait-elle ?

Il en doutait…

— Le commandant Vorrik leur a envoyé une patrouille, dit-il. Nous pensons qu’ils cherchent la même chose, probablement dans la zone récemment bombardée. Avez-vous un plan de sauvetage ?

— Aucun pour le moment. Mais nous mettrons quelque chose sur pied dès que… (Mayn hésita.) Dès que la situation sera stabilisée.

— Serait-il possible de m’avertir si vous envisagez une telle opération ?

— Nous vous aviserons de nos intentions…

Mayn partageait-elle les soupçons de Pellaeon ? Craignait-elle qu’il essaie de l’empêcher de sauver les Solo ?

— Excellent, dit-il. Nous pourrions même vous aider, si l’occasion se présente.

Mayn salua et coupa la transmission.

Pellaeon aurait aimé se reposer un peu. Il était encore convalescent. Mais il lui restait un devoir à accomplir.

— Voyez si vous pouvez contacter le commandant Vorrik, dit-il.

L’officier com s’attela à la tâche. Ils n’avaient plus communiqué directement avec l’ennemi depuis qu’ils l’avaient chassé de l’espace impérial, mais chaque fois, ç’avait été tout un poème !

Pellaeon se força à se détendre et à prendre l’air décontracté et amusé. Il ignorait à quel point les Yuuzhan Vong savaient interpréter les expressions humaines, mais il ne raterait pas une occasion de perturber l’ennemi.

Un visage couturé de cicatrices apparut sur l’écran principal de la passerelle. Les communications visuelles avec les Yuuzhan Vong étaient médiocres, à cause de la technologie fondamentalement différente qu’ils employaient, mais ce visage ricanant restait reconnaissable entre tous. Vorrik avait fait enlever la peau de ses joues, exposant les muscles et les veines. Son crâne avait en partie subi le même traitement, et des bandes de cuir chevelu pendouillaient par endroits. Ce qui subsistait d’épiderme était couvert de tatouages.

Tout ça conférait au commandant un aspect réellement terrifiant.

— Mes sens sont insultés chaque fois que je dois supporter votre image, infidèle ! gronda le Yuuzhan Vong. Soyez bref, que je ne supporte pas votre vue davantage qu’il n’est absolument nécessaire !

— C’était un appel amical, fit Pellaeon. Je me demandais comment le Kur-hashan s’en sortait ?

— Vous osez vous moquer de moi, misérable…

— Me moquer du grand commandant Vorrik ? coupa Pellaeon. Je ne me le permettrais pas. Je préfère laisser ce soin à vos supérieurs, qui vous ont envoyé ici pour rien pendant qu’ils se prélassent dans le Noyau.

Le hurlement de rage qui lui répondit ravit Pellaeon. Vorrik était si facile à ébranler… Il s’apprêtait à lancer un chapelet d’insultes, mais le Grand Amiral l’interrompit.

— Je me suis dit que c’était le moment de débattre de la situation, reprit-il, assez fort pour couvrir la voix du Yuuzhan Vong. Nous sommes dans une impasse, Vorrik. Je pensais que quelques idées sur la façon d’en sortir auraient peut-être traversé votre cerveau épais.

Vorrik parut sur le point d’exploser.

— Nous en sortirons quand nous écraserons votre misérable flotte ! hurla-t-il. Lorsque nous vous pulvériserons comme des insectes puants ! Ensuite, je vous briserai de mes propres mains – un os à la fois, jusqu’à ce que vous soyez réduit en bouillie !

— Dois-je en conclure que négocier une retraite avec vous est exclu ?

— Battre en retraite n’est pas un comportement digne d’un Yuuzhan Vong.

— C’est pourtant bien ce que vous avez fait à Borosk… Et moi qui croyais que nous avions réussi à faire entrer un peu de bon sens dans vos cerveaux barbares ! Je vois qu’il nous reste du travail.

Vorrik devint gris de rage et écrabouilla d’un coup de poing le villip oggzil qui transmettait son image. Il y eut un éclair bleu, un bruit mat… puis plus rien.

Satisfait, Pellaeon se détourna de l’holoprojecteur. Vorrik serait trop furieux pour réfléchir clairement avant un bon moment. La colère perturberait son sens tactique, et c’était excellent. Pellaeon devrait survivre jusqu’à ce qu’un supérieur rappelle à Vorrik que ses ordres n’étaient pas de perdre son temps à propos d’un monde perdu au bout de la galaxie, pendant que des batailles capitales se livraient ailleurs.

La fatigue le rattrapant soudain, Pellaeon quitta la passerelle pour prendre un peu de repos. Les forces impériales et celles de l’Alliance Galactique étant – à long terme – dans une position intenable, il espérait que les supérieurs de Vorrik le rappelleraient bientôt à l’ordre…

 

Jacen émergea de sa transe de récupération au moment où il entendit Saba bouger derrière lui.

Pendant qu’il s’occupait de Danni, la soutenant avec la Force, Saba avait mentalement exploré la planète, pour repérer les zones où la vie se concentrait. Mais Sekot était-elle présente uniformément dans toute la biosphère, ou se limitait-elle à certains endroits ?

Si l’esprit de Sekot était dans les environs, il y avait une chance de la contacter et s’adresser aux autres à travers elle.

La voix de la Magistère résonna dans la caverne, les arrachant à leur méditation.

— Dites à Senshi que je veux lui parler, fit-elle calmement.

Elle était toujours couchée et attachée, un bandeau sur les yeux. Mais une grande autorité émanait d’elle.

Un des Ferroans affectés à sa surveillance partit chercher Senshi. Les quatre autres reculèrent, comme effrayés.

Senshi arriva rapidement, et s’agenouilla à côté de la prisonnière.

— Vous avez épié nos conversations, je vois, dit-il, amusé.

— Vous deviez vous y attendre. En réalité, vous comptiez dessus, non ? Sinon vous auriez neutralisé mes tympans comme mes yeux.

Quand Senshi lui retira son bandeau, Jacen vit la lueur verdâtre de l’aube se refléter dans les yeux de Jabitha.

— Asseyez-la ! ordonna-t-il aux gardes.

— Je suppose que me détacher est hors de question.

— Vous avez amené des étrangers ici. C’était une erreur.

— J’agis au nom de notre planète.

— Vous nous avez tous mis en danger, Jabitha.

— Si je l’ai fait, c’est à la demande de Sekot. Elle reconnaît les Jedi. Et elle est curieuse à leur sujet.

— Nous les reconnaissons aussi, dit Senshi. Mais ça n’en fait pas forcément nos amis. Vous reconnaissez les Etrangers. Les inviteriez-vous pour autant ?

— Vous savez comme moi qu’ils ne sont pas les bienvenus ici ! Contrairement aux Jedi, ils ne sont pas partie prenante du flot continu de la vie.

— Si des poissons nagent dans la même direction, ça ne signifie pas qu’ils puissent s’entendre.

— Les Jedi ne nous ont fait aucun mal. Je ne comprends pas pourquoi vous vous êtes donné tant de peine pour aller contre une décision qui a reçu l’approbation de…

— Cessez de prétendre que Sekot l’a souhaité ! Sekot n’est pas contente, Jabitha.

— Comment le sauriez-vous ? Je suis la Magistère. L’interface ! Si quelqu’un peut prétendre connaître les pensées de Sekot, c’est moi.

— Mais vous ne les partagez pas avec nous. L’esprit d’un monde vivant est plus vaste et plus complexe que nous ne pouvons l’imaginer. Même en cent vies, nous saisirions à peine une fraction de ses pensées !

— Elle me transmet sa volonté, insista Jabitha, et je vous la communique. Cette méthode fonctionne depuis des décennies. Pourquoi la remettre en cause maintenant ? Suis-je soudain devenue indigne de votre confiance ?

— Vous n’avez pas changé, Jabitha. Les temps sont différents ! A nous de nous y adapter.

— Je suis d’accord, dit Jacen. C’est précisément la raison de notre présence. Nous voulons que Sekot abandonne son sanctuaire, la sécurité qu’elle a trouvée dans le système de Klasse Ephemora, et qu’elle rejoigne la galaxie en guerre contre les Etrangers. Une guerre peut-être perdue… Seul l’avenir le dira. Si vous vous joignez à nous, vous risquerez vos vies. Mais si vous restez neutres, et que nous perdons, plus rien ne se dressera entre les Etrangers et vous. Voilà le message déplaisant que nous venions délivrer à Sekot et à votre peuple. Si vous souhaitez vivre dans cette galaxie, affrontez les Etrangers.

— Et ça vous rapportera quoi ? demanda le Ferroan rebelle. A quoi vous servira une planète de plus ?

— Ce n’est pas une planète comme les autres ! dit Saba. Dans toute la galaxie, il n’existe aucun monde plus merveilleux que Zonama Sekot !

Senshi se tourna vers Jabitha.

— Et vous êtes d’accord avec ça ? Vous nous poussez sur le chemin de la destruction ?

— Je n’ai rien fait de tel ! cracha Jabitha. Moi aussi, j’ai connu les horreurs de la guerre. Je sais ce que l’Errance nous a coûté. Mais je ne renverrai pas les Jedi. Senshi, je ne les traiterai pas en pestiférés sous prétexte qu’ils viennent solliciter notre aide. Ils méritent mieux que ça !

— Pourquoi ? Parce que ce sont des Jedi ?

— Ils ne nous veulent aucun mal.

— C’est votre avis, ou celui de Sekot.

— Celui de Sekot. J’ai conseillé la prudence, comme vous. Pas question d’accepter aveuglément la parole d’étrangers. Mais pas question non plus de nous faire de nouveaux ennemis. Si les Jedi ont raison au sujet des Etrangers, nous aurons besoin d’eux.

— Et ça, c’est l’idée de Sekot, ou la vôtre ?

— La mienne, reconnut Jabitha.

Senshi lui jeta un regard méprisant.

— Vous pariez sur vos impressions, quand notre survie et celle de Sekot sont en jeu ? Je ne peux pas vous le permettre, Jabitha.

— Et que ferez-vous si je refuse de vous écouter ? Vous me tuerez ? Vous massacrerez les Jedi ?

— Cette option ne vous est pas ouverte ! lança Saba.

Inquiet, Senshi la regarda.

— Je vous parle en sachant que vous êtes les yeux et les oreilles de Sekot. Elle m’entendra, et prendra sa décision. Mais elle saura la vérité.

— Vous ne lui avez rien dit qu’elle ne sache déjà, Senshi.

— Vous vous trompez. Je lui ai dit que nous étions prêts à tout pour protéger la paix. Elle n’avait jamais entendu notre défi. Bientôt, elle verra jusqu’où nous sommes prêts à aller. (Il se tourna pour donner des ordres.) Nous partons dans cinq minutes. Remettez-lui le bandeau. Je ne veux pas qu’elle sache où nous allons.

— Et les Jedi ? demanda Jabitha.

Senshi croisa le regard de Jacen. Il essayait de cacher sa nervosité, mais Jacen la perçut. Senshi savait qu’il ne pouvait pas les obliger à le suivre.

— S’ils veulent venir avec nous, ils sont libres. Plus nous aurons de témoins, mieux ça vaudra. Mais ils peuvent aussi partir, s’ils le souhaitent. Même s’ils retournent directement à leur camp, ils ne reviendront pas à temps avec des renforts. Inutile de nous encombrer d’autres prisonniers.

— Je crains que vous ne m’ayez pas bien écoutée, dit Saba.

D’une simple pression de la Force, elle arracha les deux sabres laser de la ceinture d’un Ferroan. Elle rengaina le sien, et tendit l’autre à Jacen.

— Nous n’avons jamais été vos prisonniers…

Le garde blêmit, mais Senshi ne broncha pas.

— Si vous essayez d’intervenir, nous nous battrons. Nous ne pourrons peut-être pas vaincre des guerriers de votre trempe, mais ça ne nous arrêtera pas !

Il se tourna et partit.

— Ne vous inquiétez pas, Magistère, nous ne vous abandonnerons pas, dit Jacen.

— Rien de mal ne vous arrivera tant que vous serez sous ma surveillance, ajouta Saba.

Pensant à Danni, toujours dans le coma, Jacen se demanda dans quel guêpier ses amis et lui s’étaient fourrés.

 

Jag sentit la main de Jaina frémir sous ses doigts. Il s’arracha au demi-sommeil épuisé où il avait sombré et se pencha. Les yeux entrouverts, la jeune femme replia les doigts sur ceux de Jag.

— Jaina ! Tu m’entends ?

— Jag ? fit-elle d’une voix rauque.

Elle voulut continuer à parler, mais un gémissement l’interrompit. Tahiri se réveillait aussi !

Jag se pencha et appela le médecin-chef du Sélonia.

— Vigos, venez tout de suite !

Sans perdre une seconde, le médecin cliqua pour accuser réception, et coupa la communication.

— Ne…, murmura Jaina, les lèvres sèches.

Jag lui tendit un gobelet d’eau avec une paille et la laissa boire, regardant son amie remuer à côté d’elle. Des iris verts apparurent sous ses paupières frémissantes.

Qui se réveillait ? Tahiri ou Riina ?

Jaina sentit l’inquiétude de Jag.

— Tout ira bien, dit-elle. Je crois…

Avant qu’il puisse lui demander de préciser sa pensée, Vigos et l’équipe médicale arrivèrent. Tahiri gémit de nouveau, puis plia les jambes, agitée. Ses muscles ne réagissaient pas correctement. Vigos et son équipe la maintinrent doucement sur le lit et l’auscultèrent. Deux médics vinrent vérifier les signes vitaux de Jaina. Elle assura qu’elle se sentait bien, mais ils firent quand même les relevés.

Malgré ses yeux rouges et sa peau pâle, Jag pensa que Jaina allait en effet bien.

— Je t’ai entendu, murmura-t-elle.

Il fronça les sourcils.

— Que veux-tu dire ?

— Dans mon rêve, j’ai entendu ta voix. Ce que tu as dit…

Elle lui fit un sourire éblouissant. Alors, il comprit que les sentiments qu’il avait exprimés étaient réciproques.

— Tahiri ? lança Vigos à la jeune femme, examinant une de ses pupilles avec une petite lampe. Vous m’entendez ?

— Mon nom… Quel est mon nom ?

Jag sentit un frisson glacé courir le long de sa colonne vertébrale.

— Ish’ka !

Il se leva et se plaça entre Jaina et l’ennemie tapie dans le corps de Tahiri.

— Appelez la capitaine Mayn, ordonna-t-il à Vigos. Dites-lui que…

Jaina lui saisit le poignet.

— Attends. Ecoutons ce qu’elle a à dire.

— Si elle ignore qui elle est, comment savoir si nous parlons à Tahiri ? Je ne veux pas prendre le risque de laisser Riina se rétablir et nous poignarder dans le dos avec le sabre laser de Tahiri !

— Je suis…, gémit Tahiri, toussant désespérément. Je ne suis pas…

— Je les ai vues, Jag, dit Jaina. Je ne prétends pas avoir tout compris, mais je les ai vues ensemble, dans l’esprit de Tahiri… Riina luttait contre elle. C’était une sorte de rêve.

Après s’être affrontées, elles se sont retournées contre… moi, je crois. Riina voulait me tuer, mais Tahiri s’y est opposés. Elle…

Jaina hésita.

— Explique-moi pourquoi je ne dois pas donner l’alarme tout de suite et la faire emprisonner ! insista Jag.

— Pas seulement Tahiri, dit la jeune femme étendue à côté de Jaina. Et je ne suis pas seulement Riina non plus. Je suis un être nouveau. J’ai changé, mais mon visage est resté le même.

— Changé ? répéta Vigos.

— Elle n’est plus l’une ou l’autre, comprit Jaina. Elle est les deux. Tahiri ne pouvait pas se débarrasser de Riina. Inversement, les modeleurs vong n’ont pas réussi à oblitérer Tahiri. Elles ont été obligées de fusionner. C’était ça, ou devenir folles.

Une idée troublante. Comment deux personnalités aussi divergentes pouvaient-elles se fondre ? Tahiri resterait-elle fidèle à elle-même ? Et si sa moitié yuuzhan vong la détournait du droit chemin ?

Un millier de questions se bousculèrent dans l’esprit de Jag. Aucune réponse ne serait facile à trouver.

— Pour la première fois depuis des années, je me sens… intacte, continua la jeune femme. Et c’est bon signe, non ? (Elle regarda Jaina.) Je me souviens de ta présence… Tu essayais de m’aider. Tu étais juste là… Même quand une partie de moi a voulu t’attaquer, tu n’as pas bronché. Ça m’a convaincue que se battre était mal. Ça a guéri mon esprit blessé. Sans toi, nous nous serions détruites mutuellement.

Les doigts de la jeune femme esquissèrent un geste étrange devant son visage. Puis elle prit la main de Jaina.

— Ça s’appelle us-hrok, et ça indique que j’ai une dette envers toi. Je te serai loyale. Je ne t’offre pas ce geste en qualité de Yuuzhan Vong, ni d’humaine au courant de traditions exotiques… C’est moi qui te l’offre. (Sa certitude parut vaciller, puis se raffermir.) Je te serai éternellement reconnaissante, Jaina Solo, sœur de celui que j’aimais. Je te considérerai toujours comme un membre de ma famille, et je te protégerai. Je le jure sur mon honneur, de toutes mes forces.

Jaina regarda Jag, gênée.

— Je te remercie.

L’assurance de la jeune femme étonnait Jag. Là où il avait toujours connu le doute et l’incertitude, il voyait maintenant de la force et de la sérénité.

— Il me faudra du temps pour m’habituer, avoua Jag.

Tahiri eut un petit signe fatigué.

— A nous tous aussi, dit-elle.

— Vous n’aurez pas de problème, dit Vigos, son examen terminé. Votre respiration est régulière, et votre pouls normal. Vous n’êtes pas restée assez inconsciente pour que vos muscles commencent à s’atrophier. Vous serez sur pieds en un rien de temps.

Tahiri avait la gorge trop sèche pour répondre.

— Maman sera contente d’entendre ça, dit Jaina. Au fait, où est-elle ?

Vigos regarda Jag, qui répondit aussitôt :

— A bord du Faucon.

— Qu’est-il arrivé ?

— Pas mal de choses, pour être franc. Je ne sais pas par où commencer.

— Dis-moi ce qui se passe en ce moment, demanda Jaina, inquiète.

— Nous sommes en orbite autour d’Esfandia. Les Yuuzhan Vong sont là, et Pellaeon aussi. (Evoquerait-il la petite « surprise » que le Grand Amiral lui avait demandée ? Il décida de remettre ça à plus tard.) La station de relais s’est cachée, et tes parents sont partis à sa recherche. Ils sont coincés à la surface de la planète. Nous ne pouvons pas les rejoindre, et ils semblent incapables de revenir.

— J’ai dû être inconsciente un bon moment.

— Ne t’inquiète pas, dit sa compagne de lit d’une voix râpeuse. Une guerrière n’abandonne jamais sa famille. Nous les retrouverons, je te le promets.

— Repose-toi, dit Jaina en souriant à son amie. Ensuite, nous nous battrons. Mais d’abord, j’aimerais prendre une douche sonique ! Je me sens à peine humaine. Et toi ?

— Aussi fraîche que l’aisselle d’un vua’sa…, plaisanta Tahiri.

Jag sentit la tension quitter la jeune femme. S’il ignorait ce qu’était un vua’sa, il avait saisi le sens de la plaisanterie.

Les prunelles pétillantes, Jaina le dévisagea. Jag se convainquit que tout se passerait bien. Jaina n’avait pas exprimé de réserves sur la « nouvelle » personnalité de Tahiri. Elle paraissait persuadée que tout se terminait bien pour la jeune Jedi.

Et tant que Tahiri se battrait pour le Côté Lumineux, il serait ravi de la considérer comme une amie.

 

Les yeux de Nom Anor s’ouvrirent dans l’obscurité. Déconcerté, il essaya de déterminer ce qui l’avait réveillé. Un rêve ? Aurait-il oublié quelque chose ? Il lui fallut un instant pour comprendre que l’absence de lumière l’avait dérangé. En s’endormant, il avait laissé une torche de lichen briller sur son bureau.

Immobile, il tendit l’oreille et capta un petit bruit, au centre de la pièce…

Devait-il appeler les gardes postés dehors ? Ils étaient peut-être déjà morts, éliminés par les intrus…

Fallait-il tendre la main pour prendre son coufee ? Ce faisant, il rendrait sa gorge vulnérable.

Valait-il mieux bondir à l’endroit où il avait entendu le bruit insolite ? Il aurait toutes les chances de rater son agresseur, ou… de finir embroché sur une arme.

Réagissant aux hormones de stress qui commençaient à courir dans ses veines, son plaeryn bol se prépara automatiquement. S’il avait une occasion de se rapprocher de son agresseur…

— Allons-y !

En un instant, Nom Anor fut pris en tenaille. Sentant des mains l’agripper pour l’immobiliser, il se débattit. Mais à un contre plusieurs…

Il tenta de voir son attaquant de gauche… Une silhouette dans l’obscurité… Il se détendit et se concentra… Le plaeryn bol cracha son jet de venin au visage de l’individu qui tomba avec un cri.

Le bras dégagé, Nom Anor flanqua un coup de poing à celui qui lui tenait l’autre bras, le frappant à la tempe.

L’inconnu grogna de douleur, sans lâcher prise.

— Tenez-le ! cria quelqu’un.

D’autres silhouettes émergèrent de l’ombre.

Des mains lui saisirent le crâne et une pression s’exerça sur l’orbite oculaire qui contenait son plaeryn bol. L’arme vivante se contracta, mais fut incapable de libérer son venin.

Combien sont-ils ? pensa Nom Anor, désespéré, en tentant de flanquer des coups de pied à ceux qui lui tenaient les jambes et les bras.

En vain.

Les épaules bloquées, il sentit quelqu’un s’asseoir sur ses jambes. Il se détendit, laissant son corps retomber sur le lit. Ses assaillants étaient trop nombreux. Mieux valait conserver ses forces plutôt que les épuiser pour rien.

Il inspira à fond pour se calmer. On gagnait rarement des batailles en cédant à la rage. Connaître son ennemi revenait souvent à le vaincre… Or, dans cette obscurité, il ne savait rien.

Un lambent scintilla à l’entrée, jetant une pâle lumière sur les visages de ceux qui le maintenaient. Nom Anor ne les identifia pas – et il n’en fut guère surpris. Ils appartenaient peut-être à son groupe, mais il s’intéressait peu à ceux qui n’étaient pas essentiels à ses plans. De toute façon, il s’agissait des vulgaires laquais du cerveau de l’attaque – un traître, probablement.

Mais celui qui tenait le lambent était une autre histoire !

Coufee au poing, Shoon-mi avança dans la pièce, les yeux brillants d’une lueur mortelle.

A la fois étonné et ravi de l’impudence de son conseiller religieux, Nom Anor fronça les sourcils. Il ne s’était pas attendu à ça !

— Shoon-mi ? fit-il, feignant la peur.

Le Honteux le toisa avec dédain. Les poches bleues, sous ses yeux, pulsèrent de satisfaction.

— Vous voyez ? lança-t-il à ses acolytes. Ce n’est pas un dieu !

— Je n’ai jamais prétendu en être un, bougre d’imbécile ! Si tu avais écouté ce que je t’ai enseigné…

— Mais il aurait pu en être un, continua Shoon-mi.

L’absurdité de la situation arracha un éclat de rire à Nom Anor.

— Tu es bien plus intelligent que je le pensais. Ou plus bête que je ne l’aurais cru possible !

Le honteux gifla Nom Anor d’un revers de main. Puis il lui appuya son coufee contre la gorge.

— Vous osez me traiter d’imbécile alors que je tiens votre vie entre mes mains ?

— Presser un coufee contre ma gorge ne te rend pas particulièrement intelligent, Shoon-mi. Je suis désavantagé pour le moment, c’est tout.

— Pour le moment ? Vous croyez pouvoir survivre à ça, maître ?

La lame était tout près de la carotide de Nom Anor. Une légère poussée, et c’en serait fini de lui.

Mais il dissimula son inquiétude – très réelle.

— La question n’est pas de savoir si j’échapperai à mon destin, mais si tu y échapperas !

Shoon-mi foudroya son maître du regard.

— Vous me menacez, alors que vous êtes à deux doigts de la mort ?

Le regard de Shoon-mi brillait étrangement…

— Je ne suis pas en position de te menacer, répondit Nom Anor. Je me demandais seulement comment tu espérais échapper à ton sort. Dès qu’ils découvriront ce qui est arrivé, les fidèles se dresseront contre toi. Tu le sais, n’est-ce pas ? Sans moi, il n’y aura plus rien pour préserver leur cohésion.

— Ce serait un problème s’ils apprenaient votre mort.

— Ah, fit Nom Anor. Le Prophète vivra, même si je meurs. Tu as l’intention de devenir moi, c’est ça ? Avec le masque, tu joueras mon rôle pour prendre le contrôle de l’hérésie.

— Exactement…

— Et tu expliqueras ta disparition en mutilant mon corps pour faire croire que c’est le tien. Puis tu déclareras avoir abattu celui qui était censé être ton partisan le plus loyal.

— Ça paraît un bon plan, ironisa Shoon-mi. Cacher la vérité derrière la vérité – une pratique que je vous dois, maître.

Nom Anor sourit. Encore maintenant, Shoon-mi ignorait l'entière vérité au sujet de l’identité de Nom Anor…

— Et ceux que tu as enrôlés pour cette petite aventure, Shoon-mi ? Que leur as-tu promis ?

Le Honteux hésita assez pour que Nom Anor comprenne. A la première occasion, ses complices seraient éliminés. Ils en savaient déjà trop sur Shoon-mi et ses ambitions.

— Ils resteront à mes côtés quand nous obtiendrons notre liberté. Ils seront les gardes du corps attitrés du Prophète.

— Oui… Et ils peuvent s’attendre à ce que tu leur témoignes la même loyauté qu’à moi…

— Je vous serais resté loyal jusqu’au bout, dit Shoon-mi. Un moment, j’ai même cru en vous. Mais maintenant… Ce mouvement a besoin d’un véritable chef !

— Tu as omis quelque chose, Shoon-mi, dit Nom Anor.

— Je n’ai rien oublié !

— Si, insista Nom Anor.

Il devait continuer à faire parler Shoon-mi, pour gagner du temps. Chaque seconde lui offrait une chance supplémentaire de renverser la situation. Et le meilleur moyen était de jouer sur les angoisses du Honteux.

— Je suis même étonné que tu sois assez naïf pour ne pas t’en être aperçu.

— Si vous espérez un instant que je renoncerai à vous tuer…, commença Shoon-mi, le coufee appuyant un peu plus sur la gorge de sa victime.

— Je suis certain que tu me tueras ! haleta Nom Anor. (Mais quelque chose, dans le regard de Shoon-mi, l’incita à se demander s’il pourrait réellement assassiner son maître… Il mettait un temps certain à passer à l’action !) Ma vie est entre tes mains, qui le nierait ? Mais quelle est la véritable cause de ta trahison ? Les ordres que je te donne sans cesse ? Ou savoir que je t’ai caché certaines choses ?

Shoon-mi lâcha un peu prise. Nom Anor en profita pour inspirer à fond.

— Dis-le-moi, que je comprenne pourquoi je vais mourir de ta main.

— Parce que vous n’offrez à vos fidèles rien de mieux que ce qu’ils avaient sous le règne de Shimrra ! Ces malheureux viennent à nous, et vous les manipulez comme s’ils n’étaient rien ! Vous les sacrifiez sans avoir la décence de leur demander leurs noms, alors que le vôtre était sans arrêt sur leurs lèvres. Ils croyaient en vous ! Ils croyaient aux Jeedai ! Mais les Jeedai n’auraient jamais fait ce que vous faites, Amorm. Tout ça a seulement servi votre propre gloire. Vous n’avez pas répandu la parole des Jeedai pour le bien des Honteux, mais pour atteindre vos objectifs égoïstes !

— Comme tu le fais maintenant, Shoon-mi ?

La lame appuya plus fort. Nom Anor sentit du sang couler le long de son cou.

— Je devrais…

— Oui. Tu devrais, coupa l’ancien exécuteur. Tue-moi ! Allons, Shoon-mi, du courage ! Je suis sûr que tu as des choses plus urgentes à faire que papoter avec moi… Tu dois commencer à planifier ta libération, tu te souviens ?

— Vous vous moquez de moi, alors que la mort est à un souffle de vous emporter ?

Nom Anor se permit un grand sourire. Son assurance et son calme insolents perturbaient vraiment ce pauvre Shoon-mi !

— J’avais peut-être tort en disant que tu as oublié un détail. En fait, tu ne l’as jamais su.

— Su quoi ? s’écria Shoon-mi, de plus en plus déconcerté.

L’ancien exécuteur sourit.

— Que tout ça ne marchera pas.

— C’est insensé ! Vous êtes pratiquement mort et…

— Pas à cause de moi, imbécile : à cause de Shimrra ! Tu ne le convaincras jamais de te rendre ton honneur et ta liberté. Pourquoi t’écouterait-il ? Tu ne vois pas ce qui se passe sous ton nez tordu. Alors, comment comprendrais-tu ce qui arrive à la cour d’un chef un million de fois plus puissant que ne le sera jamais le Prophète – quelle que soit la personne cachée sous le masque ? Le pouvoir que tu gagneras ce soir dans le sang s’évanouira avec ta mort, et celle de tous ceux que tu auras contaminés. Depuis que tu as mis un pied dans cette chambre, tu t’es condamné toi-même. Mon seul regret est de ne pas être là pour assister à ta chute.

Le Honteux sourit.

— Ne pensez pas pouvoir me tromper, Amorm. Je sais que vous tentez seulement de…

On poussa Shoon-mi par-derrière. Il tomba, lâchant le coufee.

Nom Anor s’écarta pour éviter le tranchant de l’arme.

Shoon-mi bascula sur lui, perdit aussi le lambent et plongea la chambre dans les ténèbres.

Des bruits de lutte rendirent espoir à Nom Anor. Il se tortilla en vain pour se débarrasser du poids mort de Shoon-mi. Il entendit des armes taillader les chairs, des grognements de douleur…

Immobile, Shoon-mi respirait lourdement. Un cri de douleur retentit, suivi par le choc mat de la chute d’un corps.

Nom Anor parvint enfin à se dégager, récupérant le coufee dans la foulée.

Le vaincu gémit, sans chercher à se défendre. Nom Anor ramassa le lambent…

Le retour de la lumière fit sursauter un des guerriers. Kunra en profita pour l’éliminer, pivota et plongea sa lame dans le flanc du deuxième.

Kunra se redressa et essuya sa lame sur ses robes.

— Vous allez bien ?

Nom Anor regarda les cadavres, autour de lui.

— Maintenant, oui.

— Désolé d’avoir été si long, ajouta l’ancien guerrier. Trois traîtres m’ont sauté dessus dans ma chambre. Comme ils ne m’ont pas assassiné tout de suite, j’en ai déduit que ce n’était pas après moi qu’ils en avaient. Ils voulaient me tenir à l’écart le temps que Shoon-mi vous règle votre compte. Ils devaient croire que je me joindrais à lui quand il aurait repris le rôle de chef.

Nom Anor posa une main sur l’épaule de Kunra.

— Quoi qu’il en soit, tu es arrivé à point nommé ! Une chance…

— Pas vraiment. J’étais dehors depuis un moment. J’écoutais…

Nom Anor étudia l’ancien guerrier.

— Je comprends… Tu as envisagé de laisser Shoon-mi me tuer. Puis tu l’aurais abattu un peu plus tard, pour reprendre le rôle du Prophète. C’est ça ?

— Peut-être, éluda Kunra en rengainant son arme.

Il ne fit pas mine de s’excuser. Mais Nom Anor se fichait des intentions de ses sbires, si le résultat final allait dans le bon sens.

— Tu aurais fait un meilleur Prophète que Shoon-mi…

Nom Anor baissa les yeux sur le Honteux qui gémissait pitoyablement, le manche d’un coufee saillant de son dos.

La lame avait sectionné sa colonne vertébrale. Il était paralysé.

— Ce que vous lui avez dit avant que j’entre…, commença Kunra, gêné.

— A quel sujet ? demanda Nom Anor.

— Que notre plan ne marcherait pas. Que le seigneur suprême ne nous écouterait pas.

— Je bluffais, pour gagner du temps.

— Non. A votre ton, vous étiez sincère.

Nom Anor comprenait les doutes de Kunra. Leur quête était-elle vraiment sans espoir ? Il le craignait aussi. Surtout après avoir revu Shimrra dans sa splendeur impériale…

— Qui sait, Kunra ? Shimrra est puissant, mais peut-être le convaincrons-nous quand même. Si j’avais à mes côtés un millier de guerriers aussi fidèles que toi, je n’en douterais pas.

Nom Anor fit rouler Shoon-mi sur le dos, lui enfonçant un peu plus le coufee dans les chairs.

Défiguré par la souffrance, le traître implora son vainqueur.

— Pardonnez mon égarement, maître ! Vous êtes réellement un dieu !

— Non, tu avais raison. Je ne suis pas un dieu. Je les rejette tout comme je te renie. Car je préfère la compagnie des vivants !

Se penchant, il saisit le Honteux à la gorge et serra.

La terreur s’évanouit rapidement des yeux de Shoon-mi, remplacée par une expression presque sereine.

Nom Anor se redressa.

— Débarrasse-toi des corps, dit-il d’une voix calme. Que personne ne se doute de ce qui s’est passé ici. Je n’ai pas envie que d’autres idiots se mettent en tête que le Prophète est vulnérable.

— Je comprends, répondit Kunra.

Il commença à traîner les cadavres vers la porte.

Préoccupé, Nom Anor palpa la blessure, sur sa gorge.

— Beau travail, Kunra. Je ne l’oublierai pas.

Hochant la tête, l’ancien guerrier s’acquitta de sa sinistre mission.

 

Inquiet, Luke écoutait les nouvelles du réseau de boras.

— Senshi n’a pas essayé de communiquer, dit-il, le dernier rapport terminé. Mais il prévoit quelque chose.

— Je suis d’accord, répondit Mara. Une idée de ce que c’est ?

— Un acte spectaculaire, histoire d’attirer l’attention.

Doigts croisés, Luke réfléchit. Ses compagnons et lui étaient au premier étage d’une des habitations-champignons. Des pores situés au plafond et le long des parois laissaient filtrer l’air et la lumière.

— Savoir où ils vont nous aiderait, dit Mara.

Luke et elle avaient tenté de repérer Jacen dans la Force. En vain. Le champ vital de la planète était trop dense pour qu’ils puissent y détecter leur neveu. Luke se demandait encore si cette interférence était naturelle, ou artificielle.

— Nous rétrécissons peu à peu le champ des possibilités, dit Darak en passant la « porte ». Ce n’est pas facile. Par ici, le tampasi est très dense et la piste est brouillée… Mais je pense pouvoir deviner quand même leur destination.

— Où vont-ils ? demanda Mara.

— Au nord-est d’ici, il y a un bosquet de boras sauvages. Sekot permet leur existence pour encourager la diversité génétique.

— Sauvages ? Comment ça ? demanda Mara.

— Les boras peuvent être très dangereux quand on leur permet de pousser comme ils veulent, expliqua Darak. Ils sont aussi surveillés que possible.

Hegerty eut l’air sidérée.

— Des arbres sauvages ?

— Les boras ne sont pas de simples arbres, corrigea Darak, réprobatrice. Leur semence, très mobile, migre chaque été vers une nurserie, où des éclairs générés par les boras adultes les mettent sur la voie de leur prochain cycle de vie. Il existe de nombreux types de boras, et plusieurs manières dont les mutants peuvent devenir dangereux.

— Surtout lors d’un orage, renchérit Darak.

— Pourquoi Senshi les emmènerait-il là, alors ? demanda Mara.

— Il ignore peut-être la présence du bosquet mutant, dit Hegerty.

— La raison importe peu, ajouta Luke. Est-il possible de leur couper la route ?

— Non, répondit Darak. Nos coureurs les plus rapides n’arriveraient pas à temps. Ils y seront dans moins de deux heures.

— Et les dirigeables ? demanda Luke.

— Les boras les empêcheraient d’atterrir.

— L'Ombre de Jade y parviendrait, dit Luke. Je peux l’appeler, grâce au circuit esclave. Si vous le libérez, il sera là en moins d’une heure.

— Demandons à Sekot, fit Rowel. Mais sans la Magistère, ce sera difficile.

— Essayez quand même, demanda Luke.

Le Ferroan sortit.

Le comlink de Luke bipa. C’était Mayn.

— Maître Skywalker, il y a des signes d’activité gravifique sur la troisième lune de Mobus.

— Vous connaissez la source ?

— Non. Mais M-3 n’est guère plus grande qu’un rocher. Dessus, il n’y a rien d’assez gros pour générer des ondes de gravité.

— Ce pourrait être un corail skipper endommagé, avança Luke.

— Ou un qui fonctionne bien, au contraire, ajouta Mara.

— C’était mon idée, intervint Yage. Nous aimerions envoyer quelques Tie vérifier…

Un coup d’œil à Darak confirma à Luke que leurs hôtes ne seraient pas ravis.

— Je vous rappelle avec la réponse, Arien, dit-il.

Avant qu’il puisse parler, Darak secoua la tête.

— Nous n’autoriserons pas ce que vous alliez nous demander, dit-il.

— Je vous en prie, comprenez que nous ne vous voulons aucun mal. Jusque-là, nous n’avons rien fait contre vous ou votre monde. En réalité, nous avons peut-être découvert une menace que vous ignoriez. Qu’un seul vaisseau prenne la fuite, et votre Sanctuaire serait condamné. Au lieu d’avoir peur de nous, vous devriez nous laisser vous aider.

— Peut-être, concéda Darak. Nous vérifierons. Si des ondes de gravité proviennent vraiment de cette lune, nous les détecterons et prendrons les mesures nécessaires.

— Ça paraît raisonnable.

— Mais ne tardez pas, ajouta Mara quand la Ferroane sortit. Je n’aime pas être coincée ici avec un inconnu occupé à chauffer ses moteurs au-dessus de notre tête.

— Sekot vous protégera, affirma Rowel en prenant la place de Darak.

— Et qui protégera Sekot ? riposta Mara, exaspérée. Vous êtes là depuis trop longtemps. Du coup, vous avez oublié que la galaxie est vaste. Sekot aussi a peut-être oublié. J’admire votre foi en cette planète, mais je détesterais que vous soyez brutalement ramenés à la réalité.

— Vous savez peu de choses sur Sekot, répondit le Ferroan. Vos informations datent de plusieurs décennies. Vous n’avez aucune idée de ses capacités réelles !

— C’est la raison de notre présence, rappela Luke. Nous voulons savoir, car Sekot est la solution à notre problème. Avec ses connaissances, nous restaurerons la paix sans entraîner la mort de milliards d’innocents.

— Nous tournons en rond, dit Hegerty. Jusqu’à ce que Sekot décide de nous faire confiance, nous continuerons.

— Sekot n’a aucune raison de vous faire confiance, souligna Rowel.

— Alors, il nous faudra lui en donner une, conclut Mara.

Mais laquelle ? se demanda Luke. Qu’aurait fait Obi-Wan, à ma place ?

L’idée qu’Obi-Wan et son père avaient été là le tourmentait. S’il avait su comment invoquer le fantôme de son mentor, il l’aurait fait sans hésiter.

Que s’est-il produit pendant ton séjour, Ben ? Y a-t-il un rapport avec la situation présente ? Et mon père ? Son destin fut-il en partie déterminé par ce qui lui est arrivé ici ?

Qui aurait pu le dire ?

Soupirant, Luke revint au débat, parfaitement en phase avec la frustration croissante de Mara.

 

Les couloirs de la base de communication à longue distance d’Esfandia étaient étroits mais étonnamment hauts. Ils avaient été prévus pour le commandant gotal de la station, dont les cornes sensibles à l’énergie dépassaient Leia d’un bon mètre. Sur le Faucon Millenium, Ashpidar aurait dû se courber sans cesse. Ici, elle devait seulement se pencher de temps à autre.

Question taille, le reste de l’équipage était plutôt au-dessous de la moyenne. Il y avait trois minuscules Sullustéens, les experts en ingénierie de la base, et cinq robustes Ugnaughts pour les gros travaux. Le chef de la sécurité, le Noghri Eniknar, arrivait à peine à l’épaule de Leia. Ses deux assistants étaient des Klatooniens solides mais très petits. Deux officiers des communications humains et un officier scientifique twi’lek complétaient l’équipage.

La visite guidée par le commandant et son chef de la sécurité n’aurait pas dû être bien longue, mais Ashpidar insista pour présenter tout le monde à Leia et à Droma. Les gardes noghris de Leia suivaient le groupe.

Sous prétexte de se dégourdir les jambes, Droma avait décidé de l’accompagner dans la base. Après leurs dernières aventures, il se sentait un peu claustrophobe. Yan avait choisi de rester à bord, pour ne pas laisser le vaisseau sans surveillance. De plus, il aurait tout loisir de vérifier les moteurs et les générateurs de boucliers.

— Voilà notre hangar à véhicules extérieurs, annonça Ashpidar en ouvrant le sas de la baie qui abritait cinq motospeeders.

A côté, rangées dans un placard, les combinaisons environnementales convenaient à l’atmosphère épaisse et glaciale de l’extérieur.

— La base est mobile, expliqua Ashpidar. Parfois, nous devons quand même voyager vers les postes de détection, pour des réparations mineures. Les détecteurs fragiles ont souvent besoin de réglages et d’entretien.

Leia sentait un plan germer dans son esprit. S’il s’avérait praticable, les motospeeders seraient essentiels.

Hors de la base, le silence régnait. Les bombardements ayant cessé, les Brrbrlpp étaient en sécurité. Leia s’en réjouissait, car cela lui donnait le temps de réfléchir.

— J’imagine qu’il ne suffit pas de détecter les messages venant des Régions Inconnues, dit Droma. Il vous faut ensuite les diffuser vers le reste de la galaxie. Comment vous y prenez-vous ?

— Les détecteurs accomplissent aussi cette tâche, répondit Ashpidar. Tout signal repéré par plus d’un détecteur est vérifié, puis transmis vers le Noyau par au moins la moitié des autres détecteurs. Equilibrer la réception et la transmission est très difficile. Voilà pourquoi nous essayons toujours d’avoir une marge d’erreur confortable. Je m’arrange pour fonctionner avec une capacité excédentaire de cinquante pour cent.

— Combien de détecteurs avez-vous perdus à cause des Yuuzhan Vong ? demanda Leia.

— Treize sur quarante.

— Vous pouvez fonctionner normalement avec ça ?

— Oui, s’il n’y a pas d’autres bombardements, nous continuerons un certain temps. Mais il nous faudrait des ressources supplémentaires pour récupérer notre marge de sécurité.

— Je ferai ce que je pourrai, assura Leia.

Et le plus vite possible !

Qui savait si Luke n’essayait pas de lui envoyer un message ?

A la fin de la visite, Ashpidar les emmena dans sa cabine, qui lui servait aussi de QG, et prit place à son grand bureau. Leia, Droma et le chef de la sécurité s’installèrent en face d’elle. Les gardes noghris restèrent debout, devant la porte.

— C’est un environnement sécurisé, annonça Eniknar.

Le Noghri était mince comme un fil mais musclé. Son visage reptilien était l’image même de la concentration.

— Ce que vous allez voir n’a pas été révélé aux autres membres de l’équipage, continua-t-il.

Ashpidar ouvrit un coffre et en sortit une balle en cuir souple à la surface ridée. Une veine battait à sa base, indiquant que la « balle » était vivante.

— Un villip, dit Leia. C’est comme ça que les Yuuzhan Vong ont su où vous étiez ?

— Oui. Ils ont été appelés ici. Quand et comment, nous l’ignorons. Il devait aussi y avoir un villip sur Generis.

— Nous l’avons trouvé il y a deux jours, caché dans un placard d’entretien, confirma Eniknar. N’importe qui aurait pu le mettre là. Son propriétaire doit savoir qu’on lui a mis la main dessus. Hélas, le traître est toujours en liberté.

— Nous commencions une enquête quand les Yuuzhan Vong sont arrivés, enchaîna Ashpidar. Survivre est devenu notre priorité. Jusqu’à ce que nous démasquions le traître, j’ai gardé le villip ici, où personne n’a accès, à part moi. (Elle remit le villip dans le coffre et le ferma.) Toutes les autres formes de communication sont bloquées. Rien ne peut entrer ou sortir de la station sans mon autorisation.

— Nous pouvons vous montrer comment démasquer des Yuuzhan Vong déguisés. Il existe des mini-droïds conçus pour le faire discrètement. Inutile d’être un Jedi pour ça.

— Mes remerciements, dit la Gotal.

— Il suffira d’attendre la fin de la crise, ajouta Leia. Quand les Yuuzhan Vong auront été chassés de l’orbite, vous pourrez ressortir et ouvrir une enquête.

— C’est ce que j’espère. Toutefois, je crains que… (Le comlink d’Ashpidar bipa.) Oui ?

— Un message du Faucon Millenium, annonça un des responsables des communications.

— En visuel, Ridil.

Un hologramme s’activa sur le bureau d’Ashpidar. Il montrait la répartition des forces impériales et vong, au-dessus des deux hémisphères opposés. Puis l’image se déplaça sur le point d’entrée dans l’atmosphère d’une force vong passée entre les mailles du filet pendant la bataille.

— Nous avons de la compagnie, soupira Droma.

— Apparemment, répondit le chef de la sécurité.

— S’ils quadrillent le secteur, ils finiront par nous trouver, ajouta Leia.

Soudain, elle sentit la présence mentale de Jaina… Mais elle s’évanouit vite.

— Princesse ? demanda Ashpidar. Vous allez bien ?

— Désolée, répondit Leia en se levant. Tant que des transmissions pirates n’alerteront pas les Yuuzhan Vong, nous devrions être en sûreté. Le traître de la station est notre souci principal. Suivez-moi à bord du Faucon, je vous donnerai des mini-droïds de détection. Nous avons chacune un problème à résoudre.

Ashpidar inclina la tête.

— Je vous suis reconnaissante de votre aide.

Eniknar les escorta jusqu’au Faucon.

Une fois le chef de la sécurité parti, Droma se tourna vers Leia.

— Je n’aime pas ce type.

— Qui ? Eniknar ?

— Oui. Vous avez vu son expression quand le message est arrivé ?

— En effet. Il y avait quelque chose de bizarre à son sujet… (Elle se tourna vers ses gardes du corps.) Avez-vous identifié l’odeur de son clan ?

— Nous ne le connaissons pas, répondit Meewalh.

— Il s’est éloigné d’Honoghr, ajouta Cakhmain.

— Ou il n’en a jamais fait partie, avança Droma. Lâchons ces droïds sur lui et voyons ce qu’ils ont à dire.

— Ils détectent seulement les Yuuzhan Vong qui portent des masques ooglith, rappela Leia. Et ça, je l’aurais remarqué. Si c’est un traître, il faudra le forcer à montrer son jeu.

— Vous avez un plan ? demanda Droma.

— Peut-être… Mais d’abord, je dois parler à quelqu’un.

 

La capitaine Mayn informa Pellaeon des événements récents. Jaina était toujours avec Tahiri, Jag à côté d’elle, et ils écoutaient sur l’unité com de l’infirmerie. La mère de Jaina avait réussi à entrer en contact grâce à une transmission par un droïd de recherche modifié. Le droïd – une simple sonde portant un émetteur subspatial –, avait été modifié pour capter les fréquences des indigènes de la planète. Afin d’éviter de trahir l’emplacement de la station de relais, le Faucon avait envoyé sur cette fréquence le message par brèves impulsions laser. Ils avaient juste eu le temps d’échanger les nouvelles avant qu’un tir des Yuuzhan Vong ne coupe court à la communication.

— Donc, le Faucon et la base de relais sont coincés, conclut Pellaeon quand Mayn eut terminé son rapport.

— Exact, monsieur.

— Et il n’y a pas eu de signes des troupes au sol ?

— Non, monsieur.

— Ça ne durera pas. Le commandant Vorrik est impatient. Il ne les laissera pas longtemps inactifs. Il veut des résultats, et rapidement.

— Leur première tâche, dit Tahiri d’un ton assuré, sera de fouiller les sites bombardés à la recherche d’épaves. Ils commenceront au centre de la zone, pour progresser vers la périphérie. Ils partiront du principe que leurs informations étaient correctes, la base étant au centre de la zone.

— Et où est-elle, en fait ?

— Près du bord, répondit Mayn. La région bombardée couvrait l’emplacement approximatif du Faucon lors de sa dernière transmission. Ils ignorent qu’il s’est déplacé.

— Ils ont donc un léger désavantage sur nous, dit Pellaeon.

— Il nous faut simplement une ouverture pour agir, dit Jaina. Notre priorité est de leur envoyer de l’aide. Pour le moment, Vorrik croit savoir où est la base. S’il est occupé ailleurs, son temps ne sera pas illimité. Et s’il a du mal à trouver la base, il finira peut-être par penser que ça n’en vaut pas le coup.

— J’aimerais beaucoup obliger cet imbécile à battre en retraite, admit le Grand Amiral avec un demi-sourire.

— Et le traître ? demanda Jag. Comment coordonner nos actions si elles risquent d’être découvertes à tout moment ?

— C’est un risque que ma mère est prête à courir, annonça Jaina. Elle pense avoir identifié le traître.

— Les mini-droïds ? demanda Jag.

— Ils n’ont rien détecté. Mais elle garde son suspect à l’œil, au cas où il tenterait de nuire.

— Nous ne pouvons pas faire grand-chose au sujet de ce traître, dit Pellaeon. Pour l’instant, occupons-nous de débarquer une équipe à la surface.

— J’ai une idée, dit Tahiri. Il me faudrait seulement avoir accès à une coque de navire yuuzhan vong. Je suis sûre qu’il y en a dehors…

— Nous avons enregistré l’orbite de six bâtiments ennemis, répondit Pellaeon. Mais je doute que vous puissiez en utiliser une pour descendre à la surface. Après la performance du colonel Jag, ils ne se laisseront plus surprendre par la même astuce.

— Ce n’est pas mon intention. Il reste peut-être un villip vivant dans un vaisseau. Si j’y ai accès, je vous fournirai l’occasion que vous souhaitez.

L’air farouche, la jeune femme n’avait plus rien à voir avec l’être brisé venu demander de l’aide sur Mon Calamari, avant de partir pour cette mission.

— Comment avez-vous l’intention de procéder ? demanda Pellaeon.

— Je dirai à Vorrik que je veux piéger le Faucon et la base de relais. Afin de me venger de la princesse Leia et du capitaine Solo.

— Il se doutera que c’est une ruse…, dit Pellaeon.

— Peut-être, admit Tahiri. Mais il ne pourra pas se permettre de refuser mon offre ! Une victoire rapide lui permettrait de partir sans perdre la face. Et sans risquer la disgrâce.

Pellaeon hésitait, et Jaina comprenait pourquoi.

Et si Tahiri trahissait vraiment Yan et Leia ?

— J’ai confiance en elle, intervint Jaina. Je mettrais ma vie entre ses mains.

Il faudrait bien laisser Tahiri prouver de quel côté elle était. Pourquoi pas maintenant ? Surtout quand les connaissances combinées de Tahiri et de Riina seraient sans doute leur seul espoir de salut… Et tous les instincts de Jaina lui soufflaient que Tahiri, paradoxalement, était redevenue elle-même.

— Très bien, capitula Pellaeon.

Jaina remarqua que Jag se détendait. Même Tahiri semblait moins concentrée.

— Je vous laisse planifier les détails avec le Faucon et la station de relais, dès qu’ils reviendront en ligne, continua le Grand Amiral. Je vous demande seulement de m’informer des résultats. Je maintiendrai ici le statu quo le plus possible. Si vous avez besoin d’aide, il vous suffira de demander.

Son ton était sec.

Jaina crut deviner pourquoi.

— Bien entendu, nous aurons besoin de votre aide. Nous ne forcerons pas ce blocus sans vous. Vous avez prêté un escadron de Tie à la capitaine Mayn lors de l’avance initiale. J’aimerais en réquisitionner un autre pour l’escadron Soleils Jumeaux. Est-ce acceptable ?

— Jaina Solo, répondit Pellaeon avec un sourire, vous êtes aussi bonne politicienne que votre mère.

— Je prendrai ça pour un compliment.

— C’était bien mon intention.

La communication coupée, Jag se tourna vers Jaina, sourcils froncés.

— Pourquoi lui avoir demandé ça ?

Tahiri répondit à la place de Jaina.

— La confiance. Si nous ne sollicitons pas l’appui des Impériaux, ils se demanderont pourquoi nous les laissons hors du coup. Nous devrions les laisser participer à tout ce que nous entreprenons. Par le passé, ce fut la raison de nos échecs des traités avec l’Empire. L’absence de combats n’est pas la paix. Simplement une interruption temporaire de la guerre.

— Exact, dit Jaina. Si nous devons travailler ensemble, l’Empire et l’Alliance Galactique ne doivent pas seulement communiquer, mais collaborer. Parler ne suffira pas. Jusqu’à ce que nous nous battions ensemble, que nous risquions nos vies ensemble, nous resterons séparés.

— Je garderai les escadrons occupés en attendant de leur affecter leur véritable mission, dit Mayn. Pour le moment, vous êtes la Jedi responsable des opérations.

De fait, se dit Jaina, étonnée, elle était maintenant chargée du bon déroulement de la mission. Même le Grand Amiral de la flotte Impériale était prêt à suivre ses recommandations. Bizarrement, Jaina ne se sentit pas déconcertée par l’autorité dont elle était soudain investie.

— Tahiri et moi étudierons la question, dit-elle. Je vous donnerai des instructions dans moins d’une heure. Passez en alerte rouge. Si notre situation change, nous devons pouvoir agir immédiatement.

— Compris, répondit Mayn, coupant la communication.

— Eh bien, fit Jag, voilà notre nouveau chef, Jaina !

— Fais gaffe ! Je pourrais te mettre aux arrêts pour insubordination !

— Vraiment ? Vous êtes peut-être le chef ici, colonel Solo, mais lors de notre prochain duel amical, ça sera une autre histoire !

— Très drôle. Pourtant, lors de notre dernier affrontement sur Mon Calamari, c’est moi qui avais l’avantage !

L’éclat de rire de Tahiri les surprit tous les deux. Ils se tournèrent vers elle.

— Qu’est-ce qui t’amuse tant ? demanda Jaina.

— Vous deux, répondit Tahiri. Si Anakin était là, il vous aurait conseillé de vous trouver une chambre le plus vite possible !

Jaina sourit malgré la douleur qu’elle éprouvait chaque fois qu’on prononçait le nom de son frère…

Maintenant, elle était sûre que Tahiri s’en sortirait.

 

Saba eut l’impression d’être enveloppée par des odeurs délicieuses. Les ravisseurs, dont beaucoup montaient des créatures géantes à trois pattes qu’ils appelaient des carapodes, suivaient Senshi le long d’un sentier sinueux menant dans une vallée encaissée. A mesure qu’ils descendaient, l’air devenait lourd, saturé de pollen et d’humidité. Il faisait tourner la tête de Saba, accélérant son pouls. Sa peau la démangeait tandis que son métabolisme luttait contre la chaleur.

La pluie n’arrangeait rien. L’air était si humide que l’évaporation n’était presque plus assurée. Saba avait l’impression d’être plongée dans du brouillard en ébullition.

— Nous sommes encore loin ? demanda Jacen à la Ferroane qui marchait devant eux, une femme musclée au chignon volumineux.

— Non…

Saba sentit l’irritation du jeune Jedi. Il s’inquiétait pour Danni, attachée sur le dos d’un carapode, et pour Jabitha, ligotée sur un autre. Danni ne s’était toujours pas réveillée, et ça inquiétait aussi Saba. Jacen et elle n’étaient pas des guérisseurs, et ils avaient rapidement épuisé leurs maigres ressources. Danni ne semblait pas aller plus mal, mais elle n’allait pas mieux, non plus. Si ça continuait, il faudrait l’amener au plus vite à Tekli.

Saba se concentra sur leur destination. Elle percevait au plus profond de la vallée un nœud d’obscurité, une rupture dans le flot vital qui parcourait Zonama Sekot… Tentant de le sonder, elle vit un orage tourbillonnant dans l’atmosphère d’une géante gazeuse. Les flux vitaux normaux la contournaient, se courbant légèrement comme pour reconnaître sa présence. Mais tout ce qui s’en approchait de trop près était absorbé.

Senshi les conduisait vers ce « centre obscur ». A travers le brouillard, il murmurait dans l’esprit de Saba. Mais cette obscurité ne l’appelait pas volontairement : elle déclenchait celle qui était déjà en elle, l’obscurité de ses doutes sur sa propre valeur, et la culpabilité qu’elle éprouvait à cause de la perte de son monde natal…

Non !

Saba chassa ces émotions. Elle ne laisserait pas l’obscurité s’emparer de son esprit. Il fallait se concentrer.

Par bonheur, la force d’attraction de cette obscurité reflua un peu devant la détermination de la Barabel. Elle suivit résolument Senshi.

 

Tout était prêt. Une navette fournie par les Impériaux avait transféré les fournitures à bord du vaisseau en corail yorik nommé le Hrosha-Gul – en basic, cela se traduisait par « Prix de la Douleur ».

En en prenant le commandement, Jaina l’avait aussitôt rebaptisé le Collaborateur.

Tout en s’interrogeant sur le sens de ce nom – pour elle – Tahiri examina les décombres, sur la passerelle. Les choses semblaient bien se passer dans son esprit, mais elle restait vigilante. Si Riina était peu encline à attaquer les Yuuzhan Vong, elle ne semblait pas vouloir s’opposer au plan suggéré par Jaina.

Désormais, ses pensées étaient totalement redevenues les siennes. L’époque où son corps abritait l’essence de Tahiri et de Riina n’était plus qu’un mauvais souvenir. Les connaissances qu’elles avaient partagées lui venaient désormais d’un seul et même esprit.

Les Yuuzhan Vong m’ont infligé ces tourments. Que j’aie été Tahiri ou Riina, ils m’ont torturée, et laissée souffrir. Puis ils m’ont pris Anakin. Rien que pour ça, je les combattrai !

Un peu plus tôt, elle avait localisé les restes d’un banc de villip. En installant un système d’alimentation primitif, elle les avait assez ranimés pour qu’ils redeviennent fonctionnels. Elle ignorait si les villip se comporteraient normalement, mais ils devraient pouvoir émettre, et probablement capter. Cela dépendait de l’importance des dégâts. Un équivalent d’antenne se faufilait encore à travers la coque, réglé sur les vibrations subtiles du système de communication Yuuzhan Vong.

Tahiri inspira à fond et activa les villips. Silencieux, les compagnons de la jeune femme restaient hors du champ visuel des villips. Pour le moment, tout dépendait de sa performance.

Les villips se déployèrent, et les deux balises survivantes entrèrent en action.

— Moi, Riina du domaine Kwaad, je souhaite m’humilier devant le commandant B’shith Vorrik, dit-elle en yuuzhan vong.

Les villips frémirent. Une voix lui répondit, mais il y avait trop de parasites.

Elle recommença.

— Riina du Domaine Kwaad appelle du Hrosha-Gul. Je me prosterne avec l’espoir d’obtenir une audience. Mon service à la gloire de Yun-Yuuzhan n’est pas terminé.

Une voix gutturale retentit.

— Le commandant ne perd pas son temps avec les domaines qui ont échoué.

— Le Domaine Kwaad n’a pas échoué. Je suis Riina, une guerrière modelée pour obéir. Ecoutez-moi si vous voulez que je vous livre nos ennemis.

— Vos paroles sont une sortie de mensonges.

— Je mens seulement à nos ennemis communs. Ce sont eux que j’envoie à leur mort.

Il y eut une pause, puis une autre voix prit le relais.

— Parlez, être misérable !

— Ai-je l’honneur d’avoir l’attention du commandant ?

— Non. Vous êtes indigne d’habiter le même univers que lui. Parlez !

— J’apporte des renseignements sur les mouvements de l’ennemi. Les infidèles me font confiance. Je vous révélerai les détails de leur conspiration pour la plus grande gloire du commandant Vorrik.

— Qui êtes-vous, pour faire de telles promesses ?

— Je suis Riina du Domaine Kwaad. Celle-qui-a-été-modelée.

— J’ai entendu parler de cette hérésie. Vous êtes une abomination Jeedai.

— Je suis la Fierté de Yun-Yarla. Les modeleurs m’ont appris l’obéissance. Je m’humilie devant vous en espérant que vous m’autoriserez à accomplir mon devoir, pour que je puisse revenir le front haut parmi les Yuuzhan Vong.

Une autre pause, plus longue. Tahiri se douta que l’appel était transféré à un officier plus haut placé dans la hiérarchie.

De fait, un troisième interlocuteur se manifesta.

— Vos paroles offensent mes oreilles. Avant de pulvériser votre misérable personne, je vous accorde le temps qu’il me faudrait pour vider un hérétique de son sang !

Les choses continuèrent ainsi un certain temps. C’était exaspérant, mais indispensable. Les chefs vong fonctionnaient comme ça : ils laissaient leurs subordonnés déterminer eux-mêmes la valeur de leur maigre contribution… Si leurs maîtres jugeaient qu’ils leur faisaient perdre du temps, les subordonnés le payaient cher. Après avoir convaincu plusieurs subordonnés du bien-fondé de sa démarche, Tahiri fut de plus en plus certaine qu’elle parlerait bientôt à Vorrik, et le convaincrait aussi.

Enfin, on lui passa quelqu’un de si désagréable qu’elle fut sûre de s’adresser à Vorrik.

— Votre visage offense mon regard ! cracha-t-il. Votre existence même est une insulte à l’ordre de l’univers ! A la première occasion, vous vous offrirez en sacrifice à Yun-Yammka, afin que nul n’ose plus faire ce que les hérétiques du Domaine Kwaad ont tenté !

Tahiri baissa les yeux. Les paroles du commandant ne la surprenaient pas.

— Mon seigneur, j’obéirai. Le Tueur pourra me prendre dès qu’il le voudra. Quand je vous aurai apporté la victoire, je n’aurai plus de raison de vivre.

Cela sembla satisfaire Vorrik – provisoirement.

— Alors, parlez ! Comment obtenir cette victoire ?

— Je me suis attiré la confiance des Jedi en les convainquant que je leur permettrai d’atteindre sans danger la surface d’Esfandia. Si vous nous laissez faire, je les trahirai puis vous révélerai l’emplacement de la station de communication.

— Vous parlez comme une Yuuzhan Vong, mais votre apparence est celle d’une infidèle.

— Vous me voyez si bien, commandant ?

— La transmission est mauvaise, mais je vous distingue assez pour être révulsé par votre aspect !

— Comme il se doit, commandant… Si je n’étais pas destinée à être sacrifiée, je prierais les modeleurs de me redonner un corps mieux adapté au service de Yun-Yammka. Mais je veux prouver ma fidélité aux dieux. Je suis une loyale servante de Yun-Yarla. La déesse masquée me protège. Sous une apparence hideuse, elle garde cachée ma véritable personnalité. Afin de vous prouver ma bonne foi, je supplie la déesse de la tromperie de m’accorder une dernière chance de me purifier de la souillure de l’abomination !

Tahiri inclina la tête en arrière. Les vieilles cicatrices de son front s’enflammèrent quand elle les stimula avec la Force. En lui implantant la personnalité de Riina, Mezhan Kwaad lui avait infligé ces marques. Tahiri les avait gardées pour ne jamais oublier les terribles épreuves qu’elle avait traversées. Elles symbolisaient la perte de son identité sur Yavin 4, et la mort d’Anakin.

Maintenant, elles joueraient un rôle capital.

Les anciennes blessures se rouvrirent. Du sang ruissela sur son visage et ses tempes. Concentrée sur la Force, faisant abstraction de la douleur, la jeune femme afficha une expression extatique. Le villip transmettait toute la scène à Vorrik. Si Tahiri trahissait son humanité, il saurait qu’elle mentait.

— Suffit, dit-il après un long silence. Vous aurez ce que vous demandez.

Elle inclina la tête, du sang dégoulinant sur sa poitrine.

— Je n’en suis pas digne.

— Aujourd’hui, Yun-Yarla vous accorde ses faveurs, abomination ! Le vaisseau que vous avez arraisonné sera autorisé à entrer dans l’atmosphère de la planète. Tout autre navire qui tentera de vous suivre sera détruit.

— Merci, commandant. Mon vaisseau semblera être une épave à la dérive. Les infidèles n’y feront pas attention. Je vous demande seulement de l’ignorer aussi.

— Ce sera fait. Nous attendrons votre signal. Ne me trahissez pas, Riina du Domaine Kwaad, ou vos tourments seront sans fin.

— Je ne faillirai pas, commandant.

Tahiri se redressa et effleura le noyau de commande du villip. L’être se referma avec un soupir, comme conscient d’avoir accompli sa dernière mission et de pouvoir mourir en paix.

Dès qu’elle fut certaine que le villip avait cessé d’émettre, Tahiri se détendit.

— Hu-carjen tok ! cria-t-elle à cause de la douleur de ses blessures.

Jaina se précipita vers elle.

— Tu n’avais pas besoin de faire ça, dit-elle. Tu vas bien ?

La jeune femme fit un signe affirmatif. En réalité, elle n’avait pas eu le choix. Elle n’était plus la petite Tahiri, mais un être nouveau habité d’une farouche détermination…

Jag la dévisagea intensément, comme s’il révisait son opinion sur elle.

— Le vaisseau commencera à brûler dans cinq minutes, dit Jaina en posant de la synthéchair sur les blessures de Tahiri. Ça te donne une heure pour te plonger en transe de guérison. C’est un ordre ! Le moment venu, j’aurai besoin de tout le monde.

Tahiri, une guerrière et une Jedi, savait obéir aux ordres sensés. Après une piqûre d’analgésique, elle s’installa sur une couchette, à l’arrière du vaisseau, et ferma les yeux.

 

Sans Yan et Droma, le Faucon Millenium paraissait vide. Leia attendait la mise en œuvre du plan.

Son mari et ses compagnons étaient partis deux heures plus tôt. En présence de sa femme, Yan, en combinaison, avait testé les commandes de sa motospeeder…

— Tu es sûre de ne pas vouloir venir ? Ça serait si romantique… S’éclipser un moment tous les deux, histoire d’admirer le paysage…

Leia avait éclaté de rire.

— Admirer le paysage sur une planète à l’atmosphère composée de méthane et d’hydrogène ? Non, merci !

Conçues pour protéger du froid extrême d’Esfandia, et satisfaire aux besoins respiratoires de diverses espèces, les combinaisons s’adaptaient aussi à différentes anatomies – une aubaine, considérant le caractère composite de l’équipe : deux humains, Yan et un technicien des communications, le chef de la sécurité noghri, Eniknar, un robuste garde de la sécurité klatooinien, et Droma, qui avait enroulé sa queue le long d’une jambe de la combinaison.

— De plus, avait ajouté Leia, quelqu’un doit rester ici pour veiller au grain.

Elle avait embrassé la visière de son époux, lui souhaitant bonne chance.

Une fois sortis des tunnels de nidation, les cinq motospeeders devraient respecter le silence radio. La moindre transmission alerterait les Yuuzhan Vong. A part ça, ils risquaient peu d’être découverts, à moins d’avoir la malchance de tomber sur une des équipes au sol de l’ennemi…

Ashpidar avait proposé à Leia de prendre un verre dans son bureau. Elles avaient bavardé une demi-heure de tout et de rien. Leia s’était demandé si la Gotal, une espèce sensible à l’humeur des gens, cherchait à la distraire de ses soucis. Ashpidar parla d’Antar 4, où elle avait rencontré un interprète professionnel et souhaité fonder une famille. Mais son compagnon avait péri dans un accident. Sous le coup du chagrin, Ashpidar était partie explorer la galaxie. Le drame remontait à vingt ans, et elle n’avait jamais regretté sa décision.

— Parlez-moi des Etres de Glace, demanda Leia en utilisant le terme employé par le commandant, plus facile à prononcer que Brrbrlpp. Qui leur a appris le code trinaire ?

— Le précédent commandant de la base, Si… C’était un Gran exilé et épris de solitude. Pendant ses loisirs, il a étudié les Etres de Glace, déchiffré leurs appels et remarqué que personne ne l’avait fait avant lui. Malgré l’absence d’éléments concrets, tels que des outils, il lui a semblé clair que ces créatures avaient une culture. Pour le prouver, il leur a appris le code trinaire, bien plus simple pour nous que leur langue natale. Maintenant, ils nous informent de leurs mouvements pour que nous sachions toujours où ils sont.

— Comme ça, vous évitez d’en tuer accidentellement, comme nous à notre arrivée…

— Exactement.

— Communiquent-ils souvent avec vous ?

Ashpidar sembla sur le point de sourire, mais sa voix resta monocorde.

— Les Etres de Glace adorent parler. Leurs appels traversent de grandes distances. Parfois, on dirait que toute la planète résonne de leurs bavardages.

— Sont-ils nombreux ?

— Ce n’est pas une espèce très prolifique. Elle ne l’a jamais été. Nous estimons qu’il y en a quelques milliers.

— Ça n’est pas beaucoup, admit Leia.

— Esfandia n’est pas le type de monde susceptible d’abriter un écosystème riche et abondant. La température du noyau baisse et les niches disponibles rétrécissent. Il n’existe ni marées ni saisons, ce qui laisse penser que la même espèce s’est répandue sur toute la planète. En ce moment, Esfandia a un système équilibré. Etant au sommet de la chaîne alimentaire, les Etres de Glace mangent tout ce qu’ils trouvent. Dans leurs grands jardins, ils élèvent des essaims d’insectes volants avec lesquels ils échangent les minéraux rares qu’ils filtrent de l’air. Ce système complexe se détériore lentement, mais pour le moment, ça marche.

— Et en arrivant, les Yuuzhan Vong ont tout perturbé.

— Exact. Les émissions des vaisseaux ont des effets néfastes sur la biosphère. C’est pour ça que le concept de la station est basé sur celui des AT-AT. J’ai suggéré aux Etres de Glace de se réfugier dans les plaines de nidation jusqu’à la fin de la crise. Mais c’est une espèce curieuse. Beaucoup, surtout les plus jeunes, risqueraient volontiers la mort pour avoir un peu d’animation dans leurs vies !

Plus tard, de retour dans le Faucon, Leia repensa à ce sujet. Certaines choses semblaient universelles. Ses enfants n’étaient pas différents de ceux des Etres de Glace. Ni de ce qu’elle était à leur âge. Pourquoi les jeunes se lançaient-ils à corps perdu dans des quêtes périlleuses ? Pour en apprendre plus sur eux-mêmes, et accumuler de l’expérience ?

Mais à quoi bon découvrir qui on était, si on le payait de sa vie ?

— Je dois vieillir, C-3PO…, fit Leia, pensive.

— Comme nous tous, maîtresse, soupira le droïd doré.

 

L’atmosphère était étouffante quand ils atteignirent le fond de la vallée. Méfiant, Jacen capta de l’hostilité sans parvenir à identifier sa source. Des lianes et des racines entrecroisées cachaient les profondeurs de la vallée. Au-dessus, les cimes des boras formaient une voûte d’où la pluie gouttait avec régularité.

Jacen eut l’impression d’entrer dans une grande salle souterraine.

Ils y étaient presque. Une chute de pierres obstruait le lit d’une rivière. Autour de cette digue naturelle poussaient des boras à l’air sinistre. Conséquence d’une âpre lutte territoriale, tous les arbres étaient atrocement tordus, comme s’ils avaient été pétrifiés au moment de s’entre-dévorer… Les branches encore mobiles évoquaient des tentacules de sarlacc à l’affût…

— Nous allons là-dedans ? demanda-t-il à la Ferroane qui marchait devant eux.

— Oui.

— Pourquoi ?

— Vous le saurez bientôt.

Le carapode de Danni progressait derrière eux. Jacen sentit une étrange excitation grandir dans l’esprit de la créature, comme si elle reconnaissait ce lieu. Mais il ne put rien en tirer de plus. Aussi épaisse que celle d’un bantha, la carapace du carapode, très riche en métaux, scintillait par moments sous la chiche lumière.

— Nous marcherons le reste du chemin, ordonna Senshi.

— Un moment, dit Jacen en le rejoignant. Je n’aime pas ce lieu.

Senshi haussa les épaules.

— Que m’importe ? Vous vouliez nous accompagner, et c’est là que nous allons. Vous pouvez nous suivre ou partir. Vous avez le choix.

— Il existe une troisième possibilité, grogna Saba.

Jacen posa une main sur son bras pour la calmer. Il sentit les muscles frémir sous ses écailles.

— Nous vous accompagnons. Mais si vous tentez de faire du mal à…

— Que ferez-vous, Jedi ? cracha Senshi. Tout ce que j’entends, ce sont des paroles creuses. Mettez vos menaces à exécution, ou restez hors de mon chemin !

Les ravisseurs continuèrent sans rien ajouter. Senshi semblait les avoir hypnotisés.

Ils contournèrent le lac boueux et atteignirent le barrage naturel qui l’avait généré. Haut de dix mètres, il se dressait au milieu du paysage comme une cicatrice. Des chutes d’eau alimentaient des ruisseaux qui se rejoignaient bien plus bas dans la vallée. A cet endroit, le bosquet de boras était plus dense. Leurs troncs entrelacés formaient un puits obscur au sol de pierre. Des tentacules calcinés saillaient sur les bords.

Jacen regarda nerveusement autour de lui pendant que le groupe continuait à descendre. A l’arrière, Saba et lui passaient prudemment d’une racine à l’autre le long de la pente abrupte. L’air empestait le charbon humide, comme si, au fil des ans, on avait allumé et étouffé de nombreux feux.

Au fond du puits, les ravisseurs s’arrêtèrent. Senshi ordonna qu’on place la civière de la Magistère sur le sol de pierre, et celle de Danni à côté.

— Je suis inquiète, Jacen, murmura Saba. Les énergies vitales de ce lieu sont emmêlées. Nous sommes tous en danger.

Jacen éprouvait les mêmes appréhensions. Il se tourna vers Senshi.

— Pourquoi sommes-nous ici ?

— Les boras ont un cycle de vie complexe, répondit le chef des ravisseurs. Leur semence est plus animale que végétale. Ils génèrent des éclairs pour alimenter des processus organiques complexes, à l’intérieur de leurs troncs. Leurs racines fusionnent pour former un réseau de communication qui couvre toute la planète. Les boras et nous cohabitons à la surface de Sekot, et nous respectons nos différences.

Le sol sembla trembler sous leurs pieds.

— Comme tous les systèmes organiques, continua Senshi, ils peuvent être blessés ou tomber malade. Dans un endroit de ce type, les schémas naturels de Sekot ont été enrayés et pervertis. Il existe des boras malveillants, comme on trouve des gens malveillants. Dans l’ensemble, ces boras sont parfaitement inoffensifs – à moins qu’on perturbe leurs terrains de semence, bien entendu. Dans ce cas, on court un grave danger.

Jacen connaissait déjà la réponse à la question qu’il posa :

— Et où sont ces terrains de semence ?

Les boras émirent soudain des ondes de méfiance.

Senshi sourit.

— Nous y sommes.

La Barabel en eut assez. Elle sortit son sabre laser et l’activa.

Aussitôt, tous les regards se tournèrent vers elle.

Saba entendit des vibrations subsoniques passer du bout de ses griffes à la plante de ses pieds quand les tentacules des arbres maléfiques s’agitèrent au-dessus de leurs têtes, crépitant et claquant comme un feu de broussailles.

— Saba, attends ! cria Jacen.

— Nous sommes en danger ! Et Danni a besoin de soins. Fais-nous sortir d’ici immédiatement !

Les muscles puissants de la Barabel ondulèrent sous sa peau pour souligner l’urgence de sa demande.

— Non, dit Senshi, insensible à son aspect menaçant et à ses paroles.

— Tout va bien, Saba, ajouta Jacen en l’incitant à baisser sa garde.

Ne sentait-il plus le danger, autour d’eux ? Ne percevait-il pas à travers la Force le mal qui couvait en ces lieux ?

— Je t’en prie… Fais-moi confiance.

Malgré sa réticence, Saba désactiva son sabre laser.

Jacen se tourna vers Senshi.

— Avant que quelqu’un ne soit blessé, si vous nous expliquiez ce qui se passe ? Qu’espérez-vous faire en nous amenant ici ?

— Tout dépend de vos intentions.

— Que voulez-vous dire ? demanda Jacen, exaspéré. Je ne comprends pas.

— Vous comprendrez bientôt.

— Grand est le Potentium…, psalmodièrent les Ferroans. Grande est la vie de Sekot…

Saba sentit l’énergie qui émanait des boras se concentrer autour d’eux. Les troncs frémirent et s’étirèrent, comme pour toucher le ciel.

Un immense potentiel augmentait à chaque seconde…

— Tous servent et sont servis, psalmodièrent les Ferroans. Tous se joignent au Potentium.

Jabitha gémit. Avant que Saba puisse réagir, Senshi s’agenouilla à côté de la Magistère et lui posa une main sur la gorge. De l’autre, il appuya une des tiges organiques contre sa tempe.

— Un geste, et je la tue, dit-il aux Chevaliers Jedi.

Saba se figea, le pouce sur le bouton d’activation de son sabre laser.

— Ce n’est pas ce que j’escomptais, dit la Magistère en ouvrant les yeux.

Senshi tira sa civière au bord du puits.

— Et maintenant, Jedi ? cracha-t-il.

 

— Maintenant, nous allons voir, murmura Mara quand Darak revint avec les résultats de l’analyse des relevés gravitationnels anormaux sur la troisième lune de Mobus.

Darak murmura quelque chose à Rowel dans leur langue. Puis les deux Ferroans se tournèrent vers Luke.

— Nos détecteurs n’ont relevé aucune anomalie gravifique, annonça Rowel.

— Quoi ? cria Mara. Vous n’avez rien détecté ?

— Vos camarades se sont trompés, confirma Darak. Ou vous essayez de nous induire en erreur.

— Ou vous vous trompez ! répliqua Mara, furieuse.

— Nous étudions ce système depuis des dizaines d’années, répondit Rowel. Nous connaissons ses lunes par cœur.

— Et si on vous mentait ? avança Luke. De qui tenez-vous ces informations ?

— De Sekot, bien entendu, répondit Rowel. A travers le réseau de boras. (Au ton qu’il employait, il jugeait Luke idiot de ne pas l’avoir deviné tout seul.) Sur Zonama, tout commence et finit avec Sekot.

Skywalker alluma son communicateur.

— Capitaine Yage, envoyez une équipe de Tie enquêter sur cette anomalie.

— J’ai un escadron prêt, monsieur, répondit Yage. Il partira dans dix secondes.

— Comment ? s’écria Darak.

Luke l’ignora.

— Bon travail, capitaine. Qu’il utilise leurs armes, si nécessaire.

— Vous ne pouvez pas faire ça ! protesta Darak. Vous n’avez pas l’autorisation de manœuvrer dans notre secteur, encore moins de lancer des mesures offensives !

— Si vous n’êtes pas prêts à prendre les décisions qui s’imposent, je le ferai à votre place, répondit Luke, imperturbable.

— C’est inacceptable ! cria Rowel. Rappelez immédiatement ces chasseurs, ou…

Mara se leva, les poings sur ses hanches.

— Ou quoi ?

— Vous ne me faites pas peur ! souffla Rowel.

Mais le tremblement, dans sa voix, en disait long.

— Et vous ne faites pas peur à Sekot, insista pourtant le Ferroan. Souvenez-vous que vous êtes ici avec son accord. Si vous abusez de sa bienveillance, vous subirez le même sort que les Etrangers.

— Ça vous plairait, hein ? accusa Mara. C’est peut-être pour ça que vous mentez : pour nous provoquer, et nous attirer l’inimitié de votre planète chérie !

— Absurde ! Pourquoi ferions-nous ça ?

— A vous de me le dire…

Mara contourna la table pour faire face à Rowel.

Les yeux écarquillés, le Ferroan recula d’un pas.

— Grand est le Potentium, murmura-t-il, comme s’il priait. Grande est la vie de Sekot !

Luke envoya une suggestion mentale à Mara, qui recula.

— Darak, nous ne sommes pas venus vous menacer, dit-il. Nous voudrions vous aider, voilà tout.

Rowel ricana.

— Nous avons seulement besoin de Sekot.

— Vraiment ? fit Luke. Et si un des vaisseaux des Etrangers a réussi à fuir, et que son pilote rapporte à ses supérieurs ce qu’il a vu ? La prochaine fois, vous serez attaqués par une flotte dix fois plus importante que celle d’hier. Sekot pourrait-elle vous défendre contre ça ?

— Facilement, affirma Darak.

— Et contre la flotte suivante ?

— Aussi !

— Et contre celle qui viendrait après ?

La Ferroane hésita, la notion d’attaques à répétition commençant à pénétrer son esprit.

Avant qu’elle puisse répondre, le comlink de Luke bipa.

— Oui ?

— Les chasseurs approchent de la lune, annonça la capitaine Yage. Je renvoie la télémétrie à bord de l’Ombre de Jade. Tekli vous transmettra les informations.

Deux secondes plus tard, la voix de la Chadra-fan retentit sur le comlink.

— Je vais essayer de décrire ce que je vois… Trois chasseurs Tie approchent de la source des ondes de gravitation.

— J’insiste pour que vous demandiez à ces vaisseaux de rebrousser chemin, intervint Rowel.

Mara le regardant méchamment, le Ferroan se tut, puis sortit en trombe de la pièce.

— La source est stable, dit Tekli. C’est une pulsation régulière qui vient de derrière M-3.

— Une émission de basal dovin ?

— Non, elle ne ressemble à rien que nous connaissions. Ça pourrait être une balise, ou une onde porteuse à grande distance. Les Tie se livrent à un examen préliminaire de la lune. Elle est vieille, avec une surface grêlée de cratères profonds. Une cachette idéale. Il y a des traces de survols récents.

— Nous extrayons parfois du sélénium de cette lune, expliqua Darak quand Mara lui jeta un regard interrogateur.

— Et récemment ?

— Non, mais…

— Ils ont trouvé la source, coupa Tekli. C’est un cratère très profond, de l’autre côté de la lune. Un des Tie va l’explorer.

— Qu’il soit prudent, recommanda Luke.

— Les pilotes prennent toutes les précautions nécessaires, affirma Yage. Ils suivent les procédures impériales standard de recherche. Deux chasseurs restent en retrait, pendant que le troisième balaie l’emplacement. S’ils repèrent quelque chose, ils se retirent et font leur rapport. Selon les données…

Yage s’interrompit brusquement.

— Capitaine Yage ? Tekli ? appela Luke, inquiet de sentir dans la Force un frémissement de mauvais augure.

— Les émissions ont brusquement augmenté, annonça Tekli. Quelque chose, dans ce cratère, a réagi à l’approche du Tie… Le pilote fait un deuxième passage… Les ondes de gravité s’affolent, et il y a des vibrations sismiques…

Il y eut une nouvelle pause, courte, mais qui parut une éternité à Luke.

— Ils l’ont débusqué ! cria Tekli. On dirait un corail skipper, qui essaie de fuir !

— Ce vaisseau ne doit pas quitter le système, capitaine ! ordonna Luke. Déployez toutes les forces disponibles pour l’intercepter. Il faut l’arrêter à tout prix !

— Il n’y a aucun vaisseau, grogna Darak en revenant dans la pièce. C’est une ruse pour mobiliser vos forces contre nous !

— Vérifiez vos détecteurs si vous ne nous croyez pas, dit Mara. Ils ne peuvent pas rater un phénomène pareil !

— Le Faiseur de Veuves a déployé tous ses Tie et s’est lancé lui-même à la poursuite, continua Tekli. Le vaisseau nous échappe pour le moment. Il se sert de la gravité de Mobus pour se propulser jusqu’aux limites du système. Les trois Tie qui l’ont débusqué le suivent au plus près.

— Peut-il s’enfuir ? demanda Luke.

— C’est possible.

Luke entendit Mara grincer des dents.

— Si nous avions l’Ombre de Jade, rien de tout ça ne serait arrivé !

Darak revint avec Rowel, suivi par des gardes.

— Nos détecteurs ne montrent rien, dit Rowel. Le système est vide ! Vous nous avez trahis, comme nous nous y attendions !

— Emparez-vous d’eux ! ordonna Darak aux gardes en désignant Luke, Mara et Hegerty.

Mara tira son sabre laser, imitée par son époux qui se campa devant Hegerty, la lame verte étincelant.

Les gardes hésitèrent. Dans le silence qui suivit, Luke se demanda comment leur quête de Zonama Sekot avait pu en arriver là. Quelles qu’aient été les intentions de Vergere en les envoyant ici, tout allait tomber à l’eau…

— Tout ça est stupide ! protesta Hegerty. Il doit y avoir une explication logique à ce qui se passe.

— Citez-en une qui ne démontre pas votre fourberie ! rugit Darak.

— Des bioécrans ! répliqua Hegerty. Quelque chose qui interfère avec vos détecteurs, pas avec les nôtres. Ils vous espionnent peut-être depuis une éternité, sans que vous vous en doutiez.

— S’il y a des intrus dans notre système, dit Darak, Sekot s’en occupera. Nous n’avons pas besoin de vous.

— Si nous ne pouvons pas arrêter ce vaisseau, comment espérez-vous le faire ? demanda Mara.

— Sekot a des pouvoirs que vous n’imaginez pas. Si elle le décidait, elle pourrait tuer une cellule à l’autre bout du système ! Et stériliser instantanément votre Faiseur de Veuves d’une pensée…

Luke sentit Mara se hérisser devant la menace. Même s’il doutait des affirmations de Darak, penser à l’éventuelle disparition de Yage et de son équipage le rendit malade.

— Si vous persistez à proclamer que quelque chose, dans le système, échappe à nos sens, continua Darak, Sekot peut décider de détruire tout ce qu’il y a dans le secteur. A titre de précaution…

Mara regarda Luke.

— Voilà qui réglerait le problème ! s’exclama-t-elle. Nous devrions demander à Yage de rappeler ses Tie et de laisser Sekot se débrouiller…

— Je ne dis pas qu’elle le fera à coup sûr, modéra Darak. Sekot prend ses décisions toute seule. Elle n’a besoin de personne.

Mara attendit la décision de son époux.

Pour le moment, il n’avait pas d’ordres à donner. Un problème l’obsédait : comment Sekot réagirait-elle assez vite, sur une telle distance, pour arrêter le corail skipper ? Dans ce cas de figure, les armes traditionnelles ne fonctionneraient pas. Et atteindre les Yuuzhan Vong à travers la Force était exclu…

Grand est le Potentium, avait psalmodié Rowel. Grande est la vie de Sekot…

Le Potentium était une variante inhabituelle de la Force que Luke ne saisissait pas très bien. Cette philosophie ne reconnaissait pas l’existence du Côté Obscur. Jabitha jugeait les motivations d’un acte plus importantes que la façon dont il était exécuté.

La même théorie avait prévalu aux premiers temps de la guerre contre les Yuuzhan Vong… La fin justifie les moyens. Mais le Côté Obscur restait éminemment corrupteur, et il retournerait ceux qui l’utilisaient contre les innocents qu’ils tentaient de défendre.

Anakin a tué par la seule force de son esprit. Jusqu’à cet instant, nous ignorions qu’une telle chose était possible…

— Sekot ne doit pas agir, dit enfin Luke.

— Quoi ? s’exclamèrent Mara et Darak.

— Dites-le-lui ! Peu importe comment vous vous y prendrez, mais Sekot ne doit pas attaquer ce corail skipper !

Darak eut de nouveau l’air soupçonneux.

— Il n’y a pas de corail skipper, n’est-ce pas ?

Luke n’avait plus le temps de discuter avec le Ferroan. Les yeux fermés, il chercha en lui la force de faire ce que son instinct lui soufflait.

Sortant son comlink, il appela le Faiseur de Veuves.

— Capitaine Yage, rappelez vos Tie et retournez en orbite. Vous ne devez en aucun cas provoquer Sekot.

Il y eut un silence plein d’incertitude.

— Compris, répondit enfin Yage.

— Les Tie ont rebroussé chemin, confirma Tekli peu après. Le skip a la voie libre pour gagner la lisière du système.

Mara regardait son mari comme s’il avait perdu la tête.

— Luke, si ce vaisseau s’échappe…

— Je sais. Fais-moi confiance.

Plutôt que de voir un monde se tourner vers le Côté Obscur, je préfère que le vaisseau s’échappe et apprenne aux Yuuzhan Vong la position de Sekot.

L’idée qu’une planète vivante serve les forces du mal était terrifiante. Un simple pas dans la mauvaise direction suffirait pour que Sekot soit entraînée dans une longue et inexorable chute. Et ce premier pas pouvait être aussi simple que la destruction du vaisseau yuuzhan vong…

— Le corail skipper, annonça Tekli dans le comlink. Quelque chose lui arrive !

L'Hérétique de la Force T3 - Réunion
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